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REVUES ÉTRANGÈRES

HENRI SIENKIEWICZ ET L’ÂME POLONAISE

C’est, si je ne me trompe, en 1886, voilà tout juste trente ans, que j’ai eu à m’occuper pour la première fois de l’œuvre de Sienkiewicz. Ayant appris mon origine polonaise, un éditeur m’avait chargé d’écrire une préface pour un recueil de nouvelles du futur auteur de Quo Vadis ? — dont une traduction, d’ailleurs assez médiocre, lui était, par hasard, tombée entre les mains. J’étais alors moi-même un très jeune garçon, partageant mes loisirs entre la rédaction d’articles en style plus ou moins « hermétique » pour la Revue Wagnérienne et l’interprétation quasiment « officielle » des nouveaux sonnets de Stéphane Mallarmé. Tout cela ne me préparait guère à goûter de petits récits d’une émotion parfois très délicate, mais où la personnalité poétique de Sienkiewicz se trouvait encore trop souvent cachée, il faut bien l’avouer, sous l’imitation des procédés ordinaires de Dickens et d’Alphonse Daudet : de telle sorte qu’au lieu de profiter de cette occasion pour faire plus amplement connaissance avec l’art du jeune conteur polonais, je me souviens d’avoir simplement employé ma préface à célébrer la splendeur d’une âme nationale polonaise tout idéale, — ou, plus exactement, tout imaginaire, — qui, de par la beauté même et l’incomparable richesse de ses rêves, aurait toujours craint de les profaner en s’astreignant à les revêtir d’une forme définie.

Et puis le temps a passé, et voici que, aux environs de l’année 1900, le brusque et prodigieux succès de Quo Vadis ? est venu me