Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/823

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’armée que l’Empereur amène de France. Après l’entrée à Dresde, il est expédié le 12 mai sur l’Italie pour y former une armée nouvelle[1]. Le 18 mai, il est à Monza. De mai à août, il met debout 47 000 hommes et il commence son mouvement le 15 juillet ; le 16 août, il garde les portes de l’Italie à Laybach et à Pontreba. Au milieu de ces occupations, il reste par excellence l’homme de famille, et cette lettre de sa mère en est une preuve.


A Malmaison, ce 13 juin (1813).

« Ta lettre du 9 m’arrive à l’instant, mon cher Eugène, je profite pour y répondre de suite du départ du général Marcognet qui commandait à Cherbourg et qui va maintenant servir sous tes ordres[2]. Je te le recommande ; c’est un homme de mérite et que l’Empereur a distingué. Il est enchanté d’être sous tes ordres ; il m’a dit qu’il te servirait avec un cœur de feu. Il paraît qu’il a toujours servi aux avant-postes. Je suis charmée qu’Auguste se soit décidée à prendre les eaux cette année. Je suis persuadée que c’est la seule chose (après ton retour), qui pourra consolider sa santé. Je suis heureuse que ton fils aille mieux, mais je t’avouerai que j’en ai été bien tourmentée. Consulte bien les médecins pour savoir s’il ne serait pas prudent de lui mettre pour quelque temps un petit vésicatoire, car il n’a jamais eu de gourme, et les glandes qu’il a eues et la douleur de la tête prouvent que c’est une petite humeur qui le tracasse et qui l’empêche d’être gai. Tu me demandes, mon cher fils, des nouvelles de ma santé. Elle est bonne, surtout depuis que je te sais à Milan. La vie que je mène est toujours la même, ne m’occupant que de ma galerie et de mes plantes. Mon jardin, qui est la plus belle chose possible, est plus fréquenté par les Parisiens que mon salon, car, au moment où je t’écris, on me dit qu’il y a au moins trente personnes dans le jardin qui s’y promènent. Mais, mon cher fils, il n’aura tout son prix pour moi que le jour où je pourrai t’y voir avec toute ta famille. En attendant ce bonheur-là, je pense à toi sans cesse, et tu es souvent avec mes dames le sujet de notre entretien. Elles me chargent de te présenter leur hommage. Embrasse pour moi

  1. Je me permets pour toute cette période de renvoyer le lecteur à mon livre Napoléon et sa famille, t. IX, p. 104 et suiv.
  2. Nommé le 30 mai au corps d’observation de l’Adige.