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la paix est faite. Auguste est à merveille. Depuis deux jours nous dînons ensemble et je te laisse à penser si nous parlons de toi. Aime-la bien, aime-moi aussi : je ne sais, en vérité, qui de nous deux t’aime le plus. Mme Visconti[1], qui fait le service près de moi comme dame de Palais, me prie de te rappeler que tu as promis à son mari une place de gouverneur de Palais. Elle désirerait celle du palais de Mantoue qui est vacante. J’ai vu ici la fille de l’amiral Villaret-Joyeuse[2]. Elle est venue exprès de Venise pour me prier de te la recommander auprès de l’Empereur. Cette famille est intéressante et je n’oublie pas que l’amiral, étant gouverneur de la Martinique, a prodigué ses soins à ma mère et lui a fermé les yeux. Tes enfans sont toujours charmans et bien portans : Ton fils et moi nous sommes les meilleurs amis du monde. Dès qu’il me voit, il quitte tout pour venir sur mes genoux. Je fais tous les soirs sa partie. Adieu, mon cher Eugène, je t’embrasse tendrement.

« JOSEPHINE. »


Quittant Milan tout à la fin d’août, Joséphine est arrivée à Aix en Savoie au début de septembre avec sa suite : M. de Beaumont, son chevalier d’honneur et Mme Wattier Saint-Alphonse (Mlle de Mackau). Elle y retrouve ses belles-sœurs Julie Clary, la reine d’Espagne et la princesse Pauline ; avec Julie, sa sœur Désirée Bernadotte, — la princesse de Suède.


A Aix, le 13 septembre (1812).

« La date de ma lettre t’apprendra, mon cher Eugène, que je suis arrivée à Aix. Ma route a été heureuse, ma santé est assez bonne, mais j’éprouve un grand vide. Ce n’est plus ici Milan, ni son beau soleil, et encore moins les objets si chers que je m’étais accoutumée à y voir. Chaque instant me fait sentir que j’en suis éloignée. Auguste aussi me regrette. Elle m’a écrit la lettre la plus tendre. Ses enfans lui demandent si je reviendrai bientôt et Joséphine a pleuré en entendant partir ma voiture. Tu vois que tes enfans te ressemblent. Ma consolation est de les avoir laissés parfaitement bien portans. Auguste n’a jamais été

  1. Antonia Samper, dame de Palais d’Italie, épouse de Jean-Alphonse-Jules Visconti, chambellan de l’Empereur, comte de l’Empire par lettres patentes du 11 octobre 1810.
  2. Mort à Venise dont il était gouverneur général, le 24 juillet 1812.