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grossesse d’Auguste. Elle espère me donner un nouveau petit-fils et je partage ton espérance. Ma seule peine est de savoir qu’elle souffre. Je compte toujours aller vous voir tous les deux au printemps prochain et me rendre ensuite aux eaux d’Aix pour achever le bien que m’aura fait mon séjour auprès de vous. Adieu, mon cher fils, je t’embrasse avec toute la tendresse que tu me connais pour toi.

« JOSEPHINE.

« Comme je sais que tu es amateur de beaux tableaux, je t’indique un Téniers admirable et que Constantin m’a dit être aussi beau que celui des Arquebusiers que tu as vu dans ma galerie. On me l’a proposé, mais je ne veux acheter aucun tableau dans ce moment. Le prix est de 240 0 francs dont on demande le paiement par douzième de mois en mois. C’est Mme de Souza[1]qui me l’a proposé et qui en connaît le propriétaire. »


Les préparatifs pour la guerre avec la Russie étaient commencés de très longue date, d’une part comme de l’autre, mais ils n’avaient transpiré que tard dans le public, — et Joséphine était devenue du public. L’Empereur depuis longtemps n’avait pas écrit. Sa dernière lettre était du 25 août 1811, elle avait trait surtout aux dettes et si, depuis lors, durant son voyage sur le Rhin, il s’était occupé de Joséphine, c’avait été surtout à cause de ce règlement et de son incurable prodigalité.


A Malmaison, le 3 février (1812).

« On parle beaucoup de guerre, mon cher Eugène ; j’ignore si ces bruits sont fondés, ils me rendent triste. On dit aussi que tu seras employé. Tu en seras content, mais moi, cela dérangera beaucoup mes projets. Je me faisais un bonheur d’aller te voir au printemps prochain. Je serai encore obligée d’ajourner mon voyage. Mande-moi ce que tu comptes faire et, dans le cas où tu quitterais l’Italie, si Auguste y restera. Si elle est instruite de ces bruits, elle doit être aussi affligée que moi. J’attends ta réponse à la dernière lettre que je t’ai écrite où je t’annonçais que toutes mes dettes étaient payées. J’ai été charmée de faire

  1. Mlle Filleul, en premières noces Mme de Flahault, morte en 1836.