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Prince primat et, à la mort de celui-ci, en assure la réversibilité à Eugène et à ses hoirs : c’est consacrer le dépouillement d’Eugène des droits qui lui avaient été reconnus sur le royaume d’Italie. Dans le message au Sénat, l’Empereur fait seulement ces deux allusions. D’abord pour le présent : « Elevé au grand-duché de Francfort, nos peuples d’Italie ne seront pas pour cela privés de ses soins et de son administration. Notre confiance en lui sera constante comme les sentimens qu’il nous porte ; » et pour l’avenir : « La postérité… venant à s’éteindre ou ledit prince Eugène-Napoléon, comme prince d’Italie, venant à être appelé à la couronne de ce royaume, » hypothèse que Napoléon n’admet qu’au cas où faillirait la postérité de son second fils, à naître, qu’il destine au trône d’Italie.

Quant à la terre de Navarre, que Napoléon ajoute à la dotation de Joséphine, il donnera à ce présent sa signification en invitant l’épouse répudiée à aller y résider de préférence à l’Elysée et à Malmaison[1]. A la vérité, Navarre sera duché et appartiendra plus tard au prince Eugène : mais quoi ! une impératrice-reine qui devient duchesse, quelle étrangeté !


Paris, ce 12 mars (1810).

« J’ai eu, il y a peu de jours, mon cher Eugène, un grand sujet de consolation dans la nouvelle marque d’attachement que l’Empereur t’a donnée et dans la manière pleine de bonté dont il parle de toi dans sa lettre au Sénat ; je reçois aujourd’hui pour moi-même une preuve de son amitié : il me donne Navarre, et tu n’es pas oublié dans cette donation ; je t’envoie la copie des deux décrets. Il m’est bien doux de voir que l’Empereur pense à moi, et que ses sentimens sont toujours les mêmes. Tu en seras aussi heureux que moi. J’espère que je ne tarderai pas à te voir et que le passage du Mont-Cenis sera moins difficile ou du moins que tu seras plus prudent, surtout ayant ta famille avec toi. Il me tarde bien d’embrasser mes petites-filles et de témoigner à ta femme tout le plaisir que m’a fait sa dernière lettre. Adieu, mon cher fils, je t’embrasse tendrement.

« JOSEPHINE. »


Invitée, le 12 mars, par l’Empereur, à partir le 25 pour Navarre et à y passer le mois d’avril, Joséphine n’a pas trouvé

  1. Voyez Joséphine répudiée, p. 125.