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Traversant Mitrowitza sans s’y arrêter, les femmes des ministres sorbes prennent en automobile la même voie.

A Rachka, en effet, la situation était devenue difficile ; l’armée ‘se repliait dans la vallée de l’Ibar, et les Autrichiens avaient commencé sur Ivanca un mouvement tournant menaçant. Certains officiers de l’état-major étaient prêts à perdre confiance, comme au moment de la retraite de 1914. Dans un conseil tenu le 5 novembre, en présence du Régent, et où figuraient les chefs d’armée, des explications vives avaient été échangées. Les récriminations augmentaient à mesure que la retraite plus rapide entraînait des souffrances plus grandes.

Beaucoup de Serbes se plaignaient des Alliés, et sur les routes, nos aviateurs, nos médecins, entraînés dans la retraite, perdant leurs bagages, marchant dans la boue, dans la neige, entendaient ces plaintes ; des officiers, des fonctionnaires, des bourgeois se laissaient malheureusement aller, dans leur nervosité, a des propos qui dépassaient leur pensée, par suite sans doute de leur ignorance des nuances de la langue française.

Pauvres Serbes ! leurs souffrances doivent faire excuser leur état d’esprit, quand ils ont vu leur désastre commencer. Des semaines encore ils ont souffert, et la France leur a envoyé la farine et le pain de guerre qui les a empêchés de mourir de faim a Scutari ; la France est parvenue, en évacuant leur armée de l’Albanie, à la sauver de l’esclavage austro-bulgare. Pour les Serbes, le malentendu a cessé.

Mais que de pénibles heures passées ainsi à Mitrowitza, alors surtout que, de Salonique ou de Paris, aucune indication précise ne permettait de faire comprendre aux Serbes quelle était exactement, à leur égard, l’attitude des Alliés, et de la France en particulier ! On avait bien appris, le 2 novembre, que M. Briand était devenu président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, à la place de M. Viviani, qui, depuis quelques jours, avait succédé à M. Delcassé comme ministre des Affaires étrangères ; mais quelles modifications ces changemens de personnes entraîneraient-ils dans la politique extérieure du gouvernement de la République ? Quelle influence auraient-ils quant à notre intervention dans les Balkans et à la présence de nos troupes à Salonique ? L’ignorance dans laquelle on se trouvait, à cet égard, pesait cruellement…

Mais, d’heure en heure, la situation s’aggravait : Mitrowitza