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à endommager » les communications télégraphiques. La population vit sous la terreur de si continuelles menaces qu’à Liège un soldat voit deux petits enfans agiter un drapeau blanc pour pouvoir traverser la rue sans être fusillés et que plus tard, lors de la marche à travers la Belgique occidentale, des femmes offriront leurs bijoux aux troupes d’invasion pour avoir la vie sauve[1]. Gottberg, qui rapporte le fait, se scandalise fort de ces marques de défiance envers des guerriers qui ne sont pas des Barbares : son étonnement ne témoigne que de son inconscience.


IV

Avant de fermer les recueils où il a trouvé les élémens de cette enquête, le lecteur français est naturellement amené à se poser une question qui se présente à lui avec le caractère de la plus passionnante actualité. Quelle a été l’attitude des populations alsaciennes-lorraines dans la grande lutte dont leur pays était l’enjeu ? Les autorités allemandes ont affecté, au moins au début, de célébrer la fidélité de leur patriotisme germanique. Que faut-il penser de cette assertion intéressée ?

Les témoignages des combattans répondent d’eux-mêmes aux assurances officielles. Lorsque Gottberg arrive avec son détachement aux environs de Faulquemont, il est frappé de la mauvaise volonté des habitans et de leur répugnance à fournir de l’eau à ses soldats altérés[2]. Il déclare même avoir rencontré à cet égard plus de complaisance de l’autre côté de la frontière française. Encore ne s’en étonne-t-il pas trop, ayant auparavant séjourné dans le Reichsland. Mais un soldat saxon venu en droite ligne de Chemnitz, au milieu des acclamations, se déclare tout surpris de n’avoir plus trouvé autour de lui, à partir de Sarrebrück, qu’un silence de mort, des regards chargés de haine, et comme la révélation d’un monde nouveau : « Mais ce ne sont pas là des Allemands, s’écrie-t-il naïvement, ce sont des ennemis ! » — Les jours suivans, le bruit court dans son régiment que, dans plusieurs villages lorrains, des coups de feu tirés sur la troupe ont nécessité des représailles : « Même la destruction de maisons anéanties avec tout leur

  1. Hoecke, pp. 26, 47 ; Gottberg, pp. 68-70 ; Der deutsche Krieg in Feldpostbriefen, I, pp. 71, 156 ; Thümmler, I, p. 7, XIII, p. 15.
  2. Gottberg, pp. 28-31 ; Thümmler, III, pp. 4, 5.