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des fenêtres et une porte dessinés par un manœuvre. Vous n’aurez pas de matériaux précieux, mais, obligés d’employer la pierre du pays et le bois du pays, peut-être vous sentirez-vous tout naturellement entraînés à donner aux chapelles et aux constructions quelconques dont vous aurez la direction un caractère régional qui n’a jamais été tout à fait voulu et qu’ont imposé, en une certaine mesure, les matériaux eux-mêmes, et la pluie, et la neige, et le soleil, et le vent, et le relief du sol tout à l’entour. » Et continuant à rêver à cette église de demain, à cette « église de la charité populaire, » M. René Bazin se demandait si ces bâtisses des temps d’épreuve ne ménageaient point la découverte si longtemps refusée aux temps heureux, celle d’un style nouveau. Quelques-uns de ses auditeurs apprirent, ce jour-là, qu’il y avait chez le romancier, dont ils goûtaient les fictions émouvantes, un connaisseur attentif et informé, qui avait le droit de parler des choses de l’art.

Les lecteurs des Débats le savaient depuis longtemps. Voici trente ans bientôt que M. René Bazin collabore au grand journal français, fidèle à son titre, qui n’a jamais cessé de « débattre » la haute littérature à côté de la politique. Au cours de tant de promenades « en province » et à l’étranger, il est arrivé souvent au « feuilletoniste » d’interrompre une série pittoresque ou sentimentale pour étudier les plus délicats problèmes d’esthétique. Ces études, qui n’étaient pas réunies en volume, forment la matière de celui qu’un de ses éditeurs présente aujourd’hui au public[1]. Plus d’un indice et tout d’abord sa perfection typographique nous avertissent qu’il était presque achevé, alors qu’a commencé la guerre. Préparé à loisir à une époque paisible, que notre souvenir ressaisit déjà avec peine, les pensées qu’il nous apporte ne sont pas en désaccord avec l’épreuve que nous subissons. Il nous parle encore de la France, et de la beauté qu’à travers les âges notre race a si bien servie.

M. René Bazin est une des figures très originales du roman contemporain. Sa carrière, que tant de succès ont récompensée, s’est élargie singulièrement avec le temps et l’a mené progressivement de la grâce à la puissance. On en jugea lorsqu’il lui plut de reprendre, après un long intervalle, la peinture déjà esquissée des mêmes milieux. Il y a beaucoup d’expérience

  1. Notes d’un amateur de couleurs. Tours, Alfred Mame et fils, s. d. in-4o.