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nécessaire de s’appuyer sur la Russie et par elle sur la Triple-Entente, occupait la présidence du Conseil lorsque s’était constituée l’Union balkanique ; il s’en était montré le partisan habile et dévoué. Mais, lorsque, à la fin de la guerre de 1912, naissaient entre les alliés les graves dissentimens qui allaient les armer les uns contre les autres, le ministre qui avait présidé à l’Union balkanique n’eut aucune peine à deviner qu’il avait cessé de plaire, et, se souvenant qu’il avait signé quelques mois avant les traités d’alliance, il ne voulut pas assumer la responsabilité d’un conflit avec les alliés. Au grand contentement du Roi, il offrit sa démission ; elle était souhaitée, elle fut acceptée, et Danef, ancien président du Sobranié, mêlé de près à tous les événemens antérieurs, lui succéda.

Danef avait été aussi russophile que Guéchof ; maintenant, il ne l’était plus. Tandis que son prédécesseur demeurait fidèle à ses opinions passées, lui-même ne reculait pas devant la nécessité de renier les siennes, de se faire le docile serviteur de la politique royale. Une habile propagande la faisait bientôt accueillir par tout le pays comme la seule qui lui convînt et qui pût donner satisfaction à l’orgueil démesuré, à l’esprit d’intransigeance et à l’âpreté au gain qui caractérisent l’âme bulgare. Confians dans leur force et dans leur supériorité, les Bulgares, à l’exemple de leur Roi, avaient jugé dès le début du différend qu’ils ne pouvaient pas céder aux prétentions des Serbes et des Grecs. C’est parce que Danef représentait cette politique qui, de fait, était celle du Roi, que sa nomination fut favorablement accueillie dans le pays.

Avant de monter au pouvoir, il s’était ingénié déjà à blesser l’amour-propre des alliés, à froisser leurs susceptibilités en s’obstinant à les considérer comme de simples auxiliaires sans importance et sans valeur qui ne méritaient pas d’être traités sur un pied d’égalité. Les chefs de l’armée n’étaient ni moins arrogans ni moins présomptueux. Pendant la campagne qui venait de finir, ils avaient affecté de ne pas croire à la valeur des armées alliées, de les tenir pour méprisables et, bien que leurs propres troupes, sur le pied de guerre depuis neuf mois, fussent elles-mêmes harassées par leur longue station devant Tchataldja et Andrinople, bien qu’elles eussent perdu leur enthousiasme et leur vigueur et souhaitassent un prompt retour au foyer natal, leurs généraux ne craignaient pas de