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laquelle ne lui pardonnait pas de violer les solennels engagemens qu’il avait pris en épousant la princesse Marie-Louise.

Son ressentiment contre Léon XIII affecta longtemps une vivacité qui n’avait d’égale que la douleur feinte ou vraie qu’il exprimait lorsqu’il se plaignait d’avoir été rejeté du sein de l’Eglise catholique. A plusieurs reprises, il s’efforça, sans pouvoir y parvenir, de se faire relever de la sentence qui pesait sur lui. Les familiers du palais de Sofia ont gardé le souvenir de ses confidences sur ce point et celui d’une petite chapelle, ménagée dans le palais, où il assistait à la messe catholique en y faisant assister le prince Boris. Lorsque, il y a peu d’années, celui-ci devint majeur, son père en profita pour plaider devant le Saint-Siège que sa responsabilité dans l’abjuration était atténuée par ce fait que l’héritier de la couronne bulgare restait dans la religion orthodoxe par sa propre volonté, et que dès lors le père méritait d’être absous. Le pape Benoit XV accueillit cette requête et se prêta à cette interprétation. La sentence d’excommunication fut annulée, à la grande joie du pénitent. La nouvelle lui en fut donnée par un télégramme daté de Vienne, et, bien qu’il parût blessé qu’on ne la lui eût pas envoyée par un légat, il a rendu témoin tout son peuple de la satisfaction que lui causait la faveur dont il était l’objet. Une messe d’actions de grâces fut célébrée dans la cathédrale de Philippopoli, et il y communia. L’événement eut encore pour conséquence de le réconcilier avec la famille de Bourbon-Parme, qui lui tenait rigueur depuis vingt ans. Malheureusement, la reine Marie-Louise n’était plus là pour lui pardonner aussi[1].

Il n’appartient pas à l’historien de sonder les consciences ni de suspecter la sincérité des sentimens religieux des personnages que les événemens mettent sur son chemin. Mais on ne peut s’empêcher d’être frappé de ce que présente de louche et de suspect, en ces circonstances, la conduite de Ferdinand. En la rapprochant de celle qu’il a tenue à d’autres époques, on est conduit à constater que les engagemens les plus solennels, les

  1. Elle était morte le 31 janvier 1899, à l’âge de vingt-neuf ans. Neuf années plus tard, en 1908, Ferdinand, alors qu’il n’était encore que prince de Bulgarie, épousait la princesse Éléonore de Reuss, d’une branche cadette de cette maison, née en 1860. En annonçant, son mariage, il disait qu’il le contractait pour donner une mère à ses filles. Tous ceux qui ont approché la reine de Bulgarie la représentent comme s’étant enfermée dans le rôle auquel son mari la destinait et vouée en même temps à des œuvres charitables.