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Quelques jours avant, un conflit avait éclaté entre le premier ministre et le colonel Savof, ministre de la Guerre, celui-ci s’étant refusé à des mesures qui auraient eu pour effet de le déposséder, au profit de Stamboulof, d’une partie de son autorité de chef suprême de l’armée. Non seulement il n’avait pas obéi, mais il déclarait bientôt que si le président du Conseil restait à son poste, lui-même démissionnerait, en entraînant à sa suite soixante officiers qui ne voulaient obéir qu’à lui. Le prince Ferdinand commença par désavouer Savof en exigeant son départ et en le remplaçant par l’aide de camp Pétrof, grand favori du palais, ce qui eût été une victoire pour Stamboulof, si le nouveau ministre n’avait été connu comme étant un de ses ennemis et ne s’était empressé, dès son arrivée au pouvoir, de déclarer bonnes et valables les dispositions prises par son prédécesseur. Stamboulof s’étant plaint en séance du Conseil, Pétrof répliqua qu’il n’avait agi que sur les instructions écrites du prince. Après s’être assuré que telle était la vérité, comprenant que son remplacement était résolu, le ministre envoya sa démission, tandis que ses amis, pour obliger le prince à la refuser, s’efforçaient de provoquer des soulèvemens dans la rue. Mais la rue restait calme, la tranquillité publique ne fut pas plus troublée à Sofia qu’elle ne l’avait été à Berlin lors de la chute de Bismarck. Peut-être, durant quelques jours, y eut-il des doutes sur la réalité de la démission. Mais la formation d’un nouveau ministère sous la présidence de Stoïlof vint bientôt prouver que cette démission était définitive.

En ces circonstances, la conduite de Ferdinand avait été correcte et légale. Mais il se donna des torts en manœuvrant pour faire croire que Stamboulof était tombé sous l’animadversion publique. N’y avait-il pas quelque ingratitude de sa part à lui imputer à grief le régime de compression qu’il avait pratiqué ? N’est-ce pas pour garantir la vie du prince qu’il y avait recouru, et le prince n’avait-il pas tout approuvé et donné son adhésion à tous les actes de son ministre ?

Peut-être aussi aurait-il dû se rappeler ce qu’était la Bulgarie lorsque celui-ci avait pris le pouvoir. Tout alors était à créer, à fonder, à organiser. Routes vicinales, ponts, voies stratégiques, canalisation, voies ferrées, reboisement, lycées, écoles, casernes, hôpitaux, manquaient encore au pays, ou n’y existaient qu’à l’étal rudimentaire. Maintenant ces créations