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spécialement invoqué, l’épiscopat français invita les catholiques de France à coaliser leurs prières avec celles de leurs alliés et à prolonger au pied des autels l’Entente cordiale. Tantôt c’était aux enfans qu’on s’adressait pour qu’ils se fissent écouter du Très-Haut ; et tantôt des cérémonies s’organisaient sur la colline de Montmartre, pour consacrer la France souffrante au Cœur du Dieu qui souffrit. Les psychologues les plus rebelles à toute idée de surnaturel sont devenus, à notre époque, de trop subtils observateurs de l’ « expérience religieuse » pour méconnaître la valeur de l’attitude d’âme que crée la prière et pour refuser à la prière collective un certain rôle dans l’énergétique humaine ; fussent-ils même enclins à croire que les cieux sont déserts, ils maintiendraient encore que, dans cet effort commun des âmes pour confier leurs angoisses et leurs vœux à une Puissance infinie, se révèle et se développe une certaine force sociale bienfaisante pour la terre ; et lors même que l’espoir qui vivifie la prière demeure pour eux une illusion, la maîtrise d’âme que la prière suppose leur paraît une discipline féconde. Les évêques qui ont fait prier la France méritent donc, non seulement la gratitude de ceux qui ont prié, mais la gratitude des autres.

Une de ces prières fit quelque bruit et suscita quelque émoi : ce fut celle du pape Benoît XV pour la paix. Benoît XV, désireux de « faire parler plus haut encore que le fracas des armes la voix de la foi, de l’espérance et de la charité, » voulait que, de tous les points du vaste champ de bataille, s’élevât vers Dieu, murmurée par toutes les lèvres, une formule d’appel. On sentit quelque inquiétude dans les conseils du gouvernement : quelle était cette paix dont le Pape voulait parler ? D’aucuns affectaient de redouter que les âmes françaises ne comprissent mal et qu’une telle prière, au lieu d’apporter un renfort aux armées de la France, ne fût un geste de désarmement. Mais le cardinal-archevêque de Paris était là, interprète respectueusement assidu de la parole pontificale, et toujours prêt à saluer dans le Pape « le grand maître de la prière comme le grand maître de la doctrine. » Tous ses diocésains, ceux des paroisses séculaires et ceux des nombreuses paroisses nouvelles que sut créer en dix ans son admirable activité, apprirent de lui comment le Pape voulait qu’on priât. Disciple de la grande famille sulpicienne, à la fois si romaine et si française, il sut épanouir