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Est-ce que jamais je trouverai une occasion de faire du bien comme celle que j’ai ? Songez que j’ai vu toute ma compagnie à genoux pour recevoir l’absolution avant l’attaque. »

De Gironde, Jésuite, ordonné prêtre le 2 août 1914, et parti le soir même pour les armées, n’obsède ses chefs que pour retourner sans cesse à la ligne de feu : « Raison de mes démarches, écrit-il : l’exemple à donner par un prêtre. » Il sait que l’exemple qu’il donnera aura une répercussion sur les consciences, et que certains jugeront du Christ d’après la conduite que tiendra son serviteur de Gironde. Et qu’il s’agisse d’aller au milieu des balles, près des tranchées de première ligne, panser les camarades blessés, de les charger sur son dos, pour les ramener à l’arrière, ou bien de s’offrir comme patrouilleur pour explorer un bois où peut-être les Allemands sont encore terrés, on sent en lui l’acceptation tranquille, et presque familière, d’une mort qu’il sait être certaine. « Vous allez faire un gradé épatant, » lui dit un jour un capitaine. Et le caporal de Gironde répond d’une voix douce : « Oh ! je serai tué ! » Effectivement, devenu officier, il meurt à Ypres, assistant un blessé. Son action sur les hommes tenait du prodige : « Ah ! de Gironde, disaient-ils, c’est plus qu’un homme, c’est un héros. Jamais on ne saura ce qu’il a fait pour nous. »

Est-ce le subit essor d’une âme guerrière, est-ce le désir de montrer aux hommes le courage d’une âme chrétienne, qui pousse le Lazariste Barbet, caporal brancardier, — « le curé du 4e zouaves, » comme on l’appelait, — à s’élancer à l’assaut d’une tranchée, sans autre arme que son crucifix, et à rallier ainsi les combattans qui fléchissaient ? Un Jésuite, le lieutenant Rivet, professeur à l’Université grégorienne de Rome, stimule ses troupes, au début de l’attaque qui lui coûtera la vie, en leur disant : « Mes enfans, il faut que demain matin je dise ma messe à Douai. » Et ses légionnaires le suivent à l’escalade de la redoute allemande, comme, quelques jours plus tôt, ils entouraient son confessionnal improvisé. « De cette confession et de ce confesseur, écrit un légionnaire, je me souviendrai toute la vie. Quelle douceur, quelle admirable manière de comprendre la vie humaine ! » Son geste de pardon, qui faisait courber les fronts, son geste d’entraînement, qui mobilise les courages, sont pareillement admirés, pareillement aimés, comme deux gestes jumeaux.