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plus large, plus de marge pour se prémunir et de souplesse pour réagir contre une surtaxation directe qui en tout autre pays serait mortelle. Néanmoins, il n’est pas douteux que le gouvernement eût montré plus de courage et de clairvoyance en évitant de forcer, comme il l’a fait, la disproportion entre l’impôt direct et l’impôt indirect, en s’attachant à élargir les bases de la taxation et à en répartir plus équitablement le poids ; en développant, avec les impôts sur le luxe, les droits de consommation, dont le contre-coup sur les prix eût passé presque inaperçu dans la hausse générale du coût de la vie, et qui, sans grever lourdement les classes pauvres, eussent mieux servi l’intérêt national : la charge de l’impôt eût été moins pesante sur le pays, et plus grande sa productivité comme son élasticité. C’est ce que pense et dit une grande partie de l’opinion ; cela n’empêchera d’ailleurs pas les Anglais de payer sans geindre ni marchander le lourd impôt patriotique, qui menace d’écraser les degrés inférieurs de la classe moyenne, et va sans doute sonner le glas d’une des institutions dont nos voisins sont le plus fiers, l’aristocratie terrienne, déjà si menacée par M. Lloyd George : et ce sera un nouveau sacrifice qu’ils feront, après tant d’autres, aux nécessités de la guerre et de la victoire.


VII

Résumons en deux mots, pour terminer, la situation financière actuelle du Royaume-Uni. Sa dette, au 31 mars 1916, se monte à 2 140 millions sterling (dont 368 représentant des avances aux colonies ou aux Alliés), comportant une charge annuelle de 95 millions de livres. Au 31 mars 1917, on compte qu’elle atteindra 3 440 millions sterling (dont 800 attribuables aux avances aux Alliés et aux colonies), entraînant une charge annuelle de 145 millions de livres. Vienne alors la paix : le budget des dépenses comprendra ces 145 millions de la dette, plus les 173 millions de dépenses ordinaires d’avant-guerre, ensemble 318 millions ; or, le budget des recettes s’élève cette année-ci à 509 millions, ou, si l’on en déduit le produit temporaire de l’excess profits duty, à 423 millions de ressources normales ; restera donc une marge de 105 millions de livres pour parer aux supplémens de dépenses, pensions, indemnités, etc.,