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toujours ce que tu as toujours été. Continue à te rendre digne de l’amitié de l’Empereur et l’avenir sera ce qu’il pourra. Je ne me plaindrai jamais de mon sort tant que tu seras heureux et que je me croirai sûre de ta tendresse.

« JOSEPHINE. »


Les affaires d’Espagne ayant exigé la présence de Napoléon à proximité de la frontière méridionale, il partit seul le 2 avril de Saint-Cloud pour se rendre à Bayonne par Orléans et Bordeaux. Joséphine, partie le 6, le rejoignit à Bordeaux ; il fit route seul le 13 pour Mont-de-Marsan et Bayonne, et le 17 il s’installa, à côté de Bayonne, dans le château de Marrac. L’Impératrice, partie le 26 de Bordeaux, le rejoignit le 27. Le séjour à Marrac se prolongea jusqu’au 21 juillet. Joséphine avait manifesté l’intention d’aller a Barèges ; mais sans doute au mois de juillet : la Compagnie Basque y avait même été envoyée « pour assurer la sécurité des eaux ; » comme Murat s’y rendit, l’on peut juger si Joséphine fut empressée de l’y rencontrer.


Marrac, ce 31 mai 1808.

« Je ne puis te dire, mon cher Eugène, combien je suis enchantée de l’heureuse nouvelle que tu m’as donnée. Voilà une année plus favorable que je ne l’avais espéré en la commençant. Ta lettre a renouvelé le plaisir que je venais d’espérer de la part d’Hortense et j’espère bien que, dans quelques mois, ma petite Joséphine aura un frère et moi encore un petit-fils. En attendant ce nouveau bonheur, je jouis de celui que je trouve ici. Je suis près de l’Empereur, chaque jour semble le rendre encore plus aimable et plus parfait pour moi. Si je puis disposer de quelque temps, pendant la tenue des Assemblées d’Espagne, j’irai aux eaux de Barèges, mais le soin de ma santé ne m’occupera pas tellement que je ne pense beaucoup à celle de ma chère Auguste. Je ne peux trop la lui recommander. Je sais qu’on la purge très souvent ; cela peut avoir l’inconvénient de l’affaiblir beaucoup et je te prie de lui en faire l’observation de ma part. Si tu désires voir Baudelocque, qui est le plus habile accoucheur[1], il serait facile de le décider à faire le voyage de Milan. Dans ce cas, tu en écrirais à ta sœur. Adieu, mon cher

  1. C’était lui qui tout récemment avait délivré Hortense.