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la petite Beauharnais avec le Prince électoral de Bade. La demande en a été faite hier par des ambassadeurs. L’Empereur la reconnaît comme sa fille et la déclare princesse. Le mariage se fera, à ce qu’on dit, le 15 du mois prochain. J’ai arrêté pour ta femme une bonne femme de chambre, un valet de chambre coiffeur très bon sujet. Duplan m’en a répondu. La corbeille et toutes les modes sont superbes. Tous ces objets partiront à la fin de la semaine prochaine. Adieu, mon cher Eugène, je pense avec plaisir que nous ne serons pas très longtemps sans nous revoir encore. J’en aurai beaucoup à me réunir à toi et à ma belle-fille, au mois de mai, et les momens que nous passerons ensemble me paraîtront toujours trop courts. Je t’embrasse, mon ami de toute la tendresse de mon cœur ; mande-moi, mon Eugène, si tu es heureux ; tu mérites tant de l’être ! »


Eugène avait chargé de meubler sa maison, et de la mettre au dernier goût, Calmelet, qui avait été de tout temps l’ami plus que l’homme d’affaires de sa mère, au point qu’il avait été son témoin lors de son mariage avec Bonaparte. Elle lui avait, ainsi que Mme Renaudin, sa tante, des obligations de tous les genres. Calmelet, que Joséphine avait fait nommer secrétaire général du Conseil des Prises, le 19 germinal an VIII, puis administrateur général du Mobilier de la Couronne, le 13 brumaire an XIII, s’était déchargé sur Bataille, architecte et tapissier, du soin de meubler l’hôtel ; l’Empereur, à son arrivée, réclama un compte, qui passa un million. Aussitôt lettre à Fouché (31 janvier 1806), lui ordonnant qu’il surveillât Calmelet, qu’il fit connaître le bruit public sur son compte, qu’il sut où étaient ses papiers et le véritable état de ses affaires, afin que, si ses soupçons se confirmaient, il en fût fait un bon et sévère exemple. Lettre à Eugène (3 février) : « Vous avez très mal arrangé vos affaires à Paris. On me présente un compte de 1 500 000 francs pour votre maison. Cette somme est énorme. M. Calmelet, Bataille et ce petit intendant que vous avez nommé sont des fripons. » Eugène a le courage de tenir tête : « Je dois à la vérité, écrit-il le 12 février, de dire à Votre Majesté que, quant à mes affaires particulières, MM. Calmelet, Soulnnge, ainsi que mon architecte, ne sont pas coupables. Il y a fort longtemps que je les connais, et l’intérêt qu’ils ont montré à ma famille dans des