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pourtant derrière la crête, invisible aux Allemands. Cet homme est un espion. Je veux le faire saisir. Mais, brusquement, une fusillade terrible éclate. Les hommes roulent à bas de leur cheval. Je me précipite vers mon peloton où le désordre se met. Il y avait des Prussiens dans le village. Ils sont cachés dans les maisons et tirent, par les fenêtres, sur nous. Les pelotons partent à toute bride, à travers champs… Bientôt tout l’escadron (cavalerie de la 74e division de réserve) est reformé. Une estafette est envoyée pour prévenir les fantassins qui vont arriver. Nous n’avons qu’à attendre…

La journée passe. Au soir, nous apprenons que la prise de Lamath a été très dure. C’est le 6e bataillon d’alpins qui en a eu l’honneur[1].


Cependant, le régiment de gauche du 8e corps, qui supporte tout le poids de l’offensive ennemie, est repoussé vers 10 heures de Rozelieures. Le 8e corps va-t-il être forcé à la retraite sur Damas-aux-Bois, et l’entrée de la trouée va-t-elle ainsi se trouver découverte ? C’est le calcul de l’ennemi. Mais le général de Castelnau a gardé des forces disponibles. Il ordonne au corps de cavalerie de s’opposer de tout son pouvoir à la progression de l’ennemi sur Saint-Remy. En effet, si cette progression n’est pas arrêtée, le centre de notre dispositif sera rompu. C’est sur le bois de Lalau que porte l’action principale. D’un magnifique élan, le 2e bataillon de chasseurs le reprend à la baïonnette, appuyé sur les lisières par des escadrons à pied du corps de cavalerie. Il s’y maintient jusqu’au soir, malgré des pertes sévères, tandis qu’à l’Ouest le I ( »e corps attaque de flanc les forces auxquelles le corps de cavalerie fait front. Cette action vigoureuse bouche le vide qui tend à se produire entre le piton de Borville et les hauteurs de Rozelieures, par le ruisseau de l’Euron. Le général de Castelnau envoie un ordre qui donne la plus haute idée de sa vigilance et de sa clairvoyance : « L’intervention du 16e corps sur le bois de Filières est indispensable et devra se faire sentir de toute urgence. » Il ne s’agit pas seulement d’arrêter l’ennemi : il faut le battre. Sa ligne s’allongeant comme un serpent de 25 kilomètres, depuis Einville jusqu’à Rozelieures, en passant par Lunéville, c’est en tombant sur son flanc que l’on empêchera la tête de progresser.

La 29e division appartenant au 15e corps est mise à la disposition du 10e corps et le reste du 15e corps (30e division) va soutenir, sur la rive Sud de la Meurthe, l’effort du 20e corps ; la 30e division se met donc en marche en échelons refusés sur

  1. Voyez également sur le combat de Lamath et de Xermaménil : Carnet de route d’un officier d’alpins, p. 34.