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aéroplanes, par des gouvernails verticaux. Mais pour se diriger, plonger, pour apercevoir l’ennemi sans en être vu et régler sur lui l’attaque imprévue des torpilles, il faut aux immersibles une vision. Il ne saurait être question de vision sous-marine. Par les hublots d’un bâtiment en plongée, on ne distingue rien sous l’eau à quelques mètres de profondeur, même en employant de puissans projecteurs qui d’ailleurs feraient repérer le navire. La lumière du soleil elle-même est complètement absorbée à une faible profondeur. Il faut donc au navire immergé un œil aérien. Cet œil, c’est le périscope dont la lentille au bout d’un long tube dépasse légèrement la surface de l’eau.

Avec leur périscope pédoncule et leur coque blindée, le sous-marin, le submersible, ne sont-ils pas un peu les frères de ces crustacés podophtalmiques, aux carapaces redoutables, qui ont leur œil au bout d’une longue antenne et qui livrent sans fin de silencieux combats tout au fond de la mer smaragdine ?


Le sous-marin sans torpille serait comme un canon sans munitions. Bien qu’on ait vu quelquefois dans cette guerre des submersibles allemands user du canon contre d’inoffensifs vaisseaux marchands, il est sans exemple que l’un d’eux ait canonné un navire de guerre. La torpille est et reste leur arme principale.

De tous les projectiles employés dans cette guerre, balles, bombes, grenades, obus fusans ou perçu tans, etc., la torpille est sans doute le plus meurtrier, celui dont les effets sont les plus foudroyans. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler que, sans parler même du gigantesque Lusitania, la torpille a suffi maintes fois à couler en quelques minutes des cuirassés géans. D’où provient cette puissance terrible de la torpille ? De plusieurs raisons. D’abord, les torpilles récentes contiennent des charges d’explosif considérables. Celles qu’emploient actuellement les Allemands renferment environ 125 kilos d’explosif, c’est-à-dire, autant que les obus les plus puissans, plus que l’obus de 400. Ensuite la torpille est lancée sous l’eau et frappe le navire sous sa ligne de flottaison : outre les effets propres de la destruction, elle produit donc un envahissement du navire par l’eau qui a tôt fait de le couler. Mais surtout, les effets de l’explosif sont beaucoup plus intenses dans l’eau que dans l’air, l’eau formant « bourrage. » Tous ceux qui, aux colonies, ont péché à la dynamite et ont vu dans un rayon considérable tous les poissons tués par la percussion d’une petite cartouche, connaissent cet effet amplificateur de l’eau sur les explosions. Quant à