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avoir provoqué contre le gouvernement une intervention étrangère. À cette mesure odieuse les juges répondirent en prononçant l’acquittement des trois femmes.

Les accusés renvoyés en cour martiale comme auteurs responsables de la mort de Beltchev, furent moins heureux. Leur procès se dénoua par douze condamnations, dont quatre à mort, une par contumace. Karavélof, contre lequel aucune charge n’avait été relevée, fut néanmoins frappé de cinq années de prison pour s’être déclaré l’adversaire du gouvernement. Une fois de plus, Stamboulof affirmait son autorité. Mais les assassins de Beltchev restaient impunis, et leur impunité ne pouvait qu’exciter leur audace.

Sollicités de s’entremettre pour obtenir des commutations de peine, les agens des Puissances se divisèrent. Après avoir essayé d’un timide plaidoyer, le baron de Vainzenheim, consul d’Allemagne, chargé des intérêts de la Russie, reçut de sa Cour l’ordre de ne pas insister. Derniq, consul de la Grande-Bretagne, et le baron de Burian, représentant de l’Autriche, refusèrent d’intervenir, en objectant qu’il fallait en finir avec les agitateurs. Le comte de Sonnaz, ministre d’Italie, émit l’avis qu’il n’avait pas été produit contre Karavélof de présomptions suffisant à justifier sa condamnation et conseilla la clémence, appuyé par le gérant du commissariat ottoman, et par les agens de Belgique, de Roumanie, de Grèce et de Serbie ; le consul de France n’avait pas été sollicité.

Ces démarches furent vaines. Stamboulof se flattait, en cette circonstance, d’être d’accord avec la majorité du pays, qu’avait justement indigné la mort de l’honnête homme qu’était Beltchev. Il convient d’ailleurs de reconnaître que le dénouement du procès, accueilli avec calme même dans l’armée, avait ramené au dictateur une partie de l’opinion, qui précédemment paraissait lui être hostile. Son patriotisme n’était ni contestable ni contesté. On le savait possédé de la passion de l’indépendance nationale et convaincu que le gouvernement, tel qu’il l’avait constitué, avec le prince sous son autorité, était le seul qui convint à l’état actuel de la Bulgarie ; on ne le désapprouvait pas de tenir pour criminel quiconque voulait y toucher.

Il ne semble pas que les menaces dont Stamboulof était l’objet eussent visé le prince Ferdinand. On lui reprochait de n’avoir pas commué la peine du condamné. Mais on lui tenait