Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

outre, si d’autre part on n’était autorisé à conclure de sa conduite ultérieure que son parti était déjà pris et que ses perplexités apparentes n’étaient qu’une comédie.

Nous avons sous les yeux un rapport diplomatique daté de Vienne le 29 juillet, qu’il y a lieu de reproduire ici, non pas seulement parce qu’il éclaire quelque peu les obscurités de l’âme tortueuse du futur prince de Bulgarie, mais encore parce qu’il nous montre ce qu’on pensait de lui dans la société viennoise et combien peu il y était considéré.

« L’Autriche avais pris en main la candidature de Ferdinand, et maintenant elle lui donne beaucoup de soucis. On se plaint de lui dans les sphères compétentes, de ses incorrections, de ses imprudences, de son manque de docilité aux conseils. Entouré de reporters, il parle à tort et à travers et, en voulant contenter tout le monde, il ne donne satisfaction à personne. Ce que le Cabinet de Vienne aurait voulu obtenir de lui, c’est qu’il continuât à être l’élu du Sobranié et que, fidèle à sa déclaration d’Ebenthal, il attendit à Vienne l’issue des négociations engagées par la Porte. Ces négociations, il est vrai, n’avaient aucune chance d’aboutir, étant donné le veto absolu de la Russie. Mais elles pouvaient traîner un certain temps, prolonger le statu quo, concilier au jeune prince la faveur précieuse du Sultan et, en attendant, le trône de Bulgarie ne serait ni renversé ni occupé par un autre. C’est là le conseil donné par le Ballplatz au prince Ferdinand et, sans doute aussi, il a promis de s’y conformer. Mais voici les députés bulgares qui l’accusent de pusillanimité, de trahison ; il s’excuse, se dément, s’embrouille dans ses explications et se compromet chaque jour davantage. On croit cependant au ministère qu’il ne poussera pas l’imprudence jusqu’à partir pour Sofia. Il l’affirme et cependant on dit qu’il y est attendu. Tout est contradiction dans sa conduite et dans ses dires et Kalnocky regrette de s’être adressé à ce jeune homme ridicule et fat, à ce prince qui ne sait ni commander son peloton de Honved, ni monter à cheval, qui n’a rien de ce qu’il faut pour le rôle qu’il a étourdiment accepté et qui répondait à quelqu’un qui s’étonnait qu’il se fût lancé dans cette aventure : — Cela m’amuse. »

Le rapport qui vient d’être reproduit contient toute la genèse de la candidature Cobourg et, après l’avoir lu, on ne s’étonne pas d’apprendre que, le 7 août, dans la matinée, Ferdinand