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encore ne la conclure que pour des fins égoïstes, n’ayant ni admis ni aperçu même la nécessité de règlemens larges et humains comme issue et conclusion de ce formidable événement.

Dans les « fins de la guerre, » telles que les exposent soit les plus excessifs, soit les plus modérés, il s’agit toujours d’une bonne affaire pour l’Allemagne : rien de plus. Les six grandes associations industrielles et agricoles formulent ainsi leurs réclamations : « La sécurité de l’empire d’Allemagne dans une guerre future nécessite impérieusement la possession de toutes les mines de minettes, y compris les forteresses de Lougwy et de Verdun, sans lesquelles cette région ne saurait être défendue. La possession de grandes quantités de charbons et principalement de charbons riches en bitume qui abondent dans les bassins du Nord de la France est au moins aussi importante que le minerai de fer pour l’issue de la guerre… En résumé, on peut dire que les buts que l’on se propose pour nous assurer une économie durable sont, en ce moment, ceux qu’il faut pour garantir notre force militaire, notre indépendance et notre puissance politique, d’autant plus qu’étendre nos possibilités économiques, c’est multiplier les occasions de travail et servir ainsi notre classe ouvrière. »

Avec plus de modération (sans doute sous l’influence des récens événemens militaires), le premier ministre bavarois Hertling dit, le 31 août, au journaliste Wiegand : « L’existence de l’Allemagne, son indépendance comme nation, la sécurité future de son peuple pour son développement pacifique au point de vue économique, industriel et politique, voilà les buts de guerre de l’Allemagne, voilà ce que défend le peuple allemand et pourquoi il verse son sang ; voilà pourquoi nous combattons. »

Etant donné les atténuations que comporte une parole officielle, l’objectif du ministre est le même que celui des corporations : les Allemands ne parlent que d’eux, ne songent qu’à eux, à leurs intérêts, à leur prospérité, à leur bien-être. L’Allemagne, puissance de proie, est tombée sur le monde comme sur une proie. Même maintenant, elle ne s’est pas encore aperçue que l’Europe et le monde, puisqu’ils ont été troublés dans leur repos, entendent n’y rentrer que quand ils auront assuré et garanti à l’humanité une vie paisible sous un régime politique et économique équitable.

Le véritable problème de la paix réside donc dans