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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




L’occupation par les armées anglo-françaises des positions extrêmement fortes de l’ennemi à Thiepval et à Combles, que, la quinzaine dernière, nous n’avons pu qu’annoncer en grande hâte et sous la presse même, devait avoir, et elle aura, des conséquences que l’inclémence des élémens, — cette espèce d’hostilité des choses qui traverse souvent et contrarie les plus justes espoirs des hommes, — diffère, mais n’empêchera point. Quelque matin se lèvera, qui ne noiera pas dans la pluie et dans le brouillard l’ardeur impatiente de nos troupes. Alors les Allemands verront si, comme leurs journaux voudraient le leur faire croire, nous sommes las d’une offensive qui nous aurait coûté trop cher pour de trop minces résultats. En attendant, de proche en proche, nous élargissons nos gains et nous assurons notre avance : chaque embellie nous vaut un bond. Au surplus, que l’état-major prussien et les gazetiers qu’il inspire posent leur règle et leur compas : dans une guerre pareille à celle-ci, la victoire ne se mesurera pas au décimètre. Pour nous, nos départemens envahis ont consommé leur sacrifice ; prêts, s’il le faut, à reconquérir pied à pied le territoire violé, notre objectif principal est néanmoins d’user les Allemands et de les battre ; et nous savons qu’il importe relativement peu qu’ils soient usés une semaine plus tard ou battus une lieue plus loin. Un troisième hiver dans la boue des tranchées ne brisera pas plus la volonté française qu’un cinquantième ou un centième raid de zeppelins sur la banlieue de Londres ne brisera la volonté anglaise : ils les exciteront plutôt et les soutiendront par la contemplation du but le plus légitime que se puissent proposer des peuples : vivre, une ou deux générations, libres et laborieux, dans une paix certaine. Humble et honnête joie que, depuis la fondation de l’Empire allemand, et surtout depuis l’invention de la politique « mondiale, » l’Europe ne connaissait plus.