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fauchant des mitrailleuses dans un couloir d’attaque. Le groupement serré d’hommes gisans dans certains secteurs étroits inscrit avec évidence sur le sol lui-même la marque tragique du travail destructeur des mitrailleuses.

Signalons enfin un emploi tactique nouveau de l’engin : celui de la mitrailleuse d’avion sur objectif d’infanterie. Un communiqué a mentionné l’exploit d’un aéroplane descendant à cent mètres au-dessus d’une ligne de fantassins allemands en retraite et lui décochant quelques rafales meurtrières. Quelques jours après, un avion britannique, planant à trois cents mètres, prenait d’enfilade sous le feu de sa machine Lewis une troupe abritée dans le fossé d’une route et y semait le désordre. Sans doute, il s’agit là d’un emploi exceptionnel de l’engin dans la tactique aérienne, mais dont l’occasion se retrouvera, dès que des objectifs favorables se représenteront à nos audacieux combattans de l’air aux aguets [1].


Mais la défense ne se contente pas de rendre le terrain intenable en le maintenant sous la menace d’un feu destructeur ; elle sème le chemin à parcourir d’un obstacle redoutable et compliqué : les réseaux de fils de fer.

L’emploi d’une barrière artificielle à claire-voie pour entra- ver la marche de l’assaillant est aussi ancien que celui de la tranchée elle-même ; exemple, les chevaux de frise classiques utilisés dès le Moyen Age. Sitôt que la métallurgie moderne eut réalisé des progrès dans la branche de la tréfilerie, l’idée naquit d’appliquer à l’art de la guerre la résistance et la malléabilité du fil de fer tressé en grillage ou tendu en lacis : tout comme la mitrailleuse, le réseau fit son apparition au cours de la guerre de Sécession, où les généraux américains creusèrent beaucoup de retranchemens : on utilisait tout naturellement le fil de fer, dans un pays où il constituait la seule clôture d’immenses domaines d’élevage.

Plus tard, au cours de la guerre Sud-Africaine, les Boërs

  1. Un des maîtres de la stratégie germanique en chambre, le major Moraht, en faisant l’aveu non sans mélancolie :
    « Quelques aviateurs anglais, écrivait-il dans le Berliner Tagellatt, ont combattu directement avec leurs mitrailleuses nos troupes en marche ou en position. »