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faudrait peut-être faire exception pour tout ce qui touche au domaine de la guerre. Sans doute la France demeure la terre des imaginations créatrices, la grande semeuse des idées fécondes ; mais servi par son instinct de meurtre et son esprit de ruse, le cerveau germanique a réalisé des machineries que l’on dirait inspirées par le génie du mal : parmi celles-là, la combinaison. mitrailleuses et fils de fer est l’une des plus infernales.


On définit la mitrailleuse : une arme à feu à un seul canon, tirant à très grande vitesse la cartouche d’infanterie et à fonctionnement automatique, c’est-à-dire n’exigeant d’autre énergie qu’une partie de celle produite par la déflagration des gaz de la poudre à chaque coup tiré.

Appliqué à notre arme actuelle, le mot mitrailleuse est impropre ; son véritable nom serait fusil-machine, comme l’ont appelé les Allemands, gewehrmachine et les Anglais machinegun.

Le mot « mitraille, » fort ancien, s’appliquait aux morceaux de ferraille dont jadis on chargeait les canons. Outre un tir des plus irréguliers, il en résultait une usure considérable des engins de bronze. Pour y remédier, on eut l’idée, aussitôt l’apparition des pièces sur affûts roulans au XIVe siècle, d’accoler parallèlement plusieurs canons légers dits traits à feu. C’étaient les ribaudequins ou les orgues, ainsi nommés parce que leur aspect rappelait celui de tuyaux d’orgue assemblés ; mais, par suite de la difficulté d’une mise de feu simultanée, leur efficacité restait médiocre. Aussi au XVIe siècle Léonard de Vinci, l’universel génie qui a touché à toutes les sciences et à tous les arts, s’appliqua-t-il à chercher des engins mitrailleurs dont plusieurs dessins nous ont été conservés de sa main.

Vers la même époque, on vit apparaître les boîtes à mitraille, enveloppe cylindrique renfermant des débris de métal, qui ne s’ouvrait dans le tir qu’à sa sortie de la bouche du canon : on parait ainsi à la détérioration de l’âme de la pièce. Plus tard J.-B. de Gribauval, inspecteur général de l’Artillerie, perfectionna la boîte, en substituant des balles sphériques régulières aux morceaux de mitraille.

Mais l’idée d’une arme à plusieurs canons ne fut reprise que deux siècles plus tard, vers 1830 en Belgique, où un ancien