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Je ne m’étendrai pas sur l’opération du débarquement. On l’a vu, l’an dernier, réussir d’une manière remarquable dans les pires conditions, d’abord aux deux promontoires des Dardanelles, ensuite à Souvla. Il suffit de relire d’épiques récits qui, au demeurant, sont gravés dans toutes les mémoires, et que, peut-être, je commenterai plus tard en me plaçant au seul point de vue tactique. Pour rester sur le terrain de la stratégie, j’observerai seulement qu’il s’en faut bien qu’une descente en pays ennemi soit nécessairement un débarquement de vive force.

Je vais plus loin et je ne crains pas de dire que cette opération, si elle est bien conduite et si, grâce à la mobilité de la flotte, on réussit à tromper le défenseur sur le véritable point d’attaque, ne doit pas rencontrer de résistance sérieuse, au moins dans les premières vingt-quatre heures. Il n’y a pas de chemin de fer qui tienne. On sait d’ailleurs quelle est la difficulté de faire rebrousser chemin à des chapelets de convois engagés dans une direction que, brusquement, on découvre n’être point la bonne. Or, il se trouve que, réunie dans la baie de F... au Sud d’une des capitales scandinaves, la flotte expéditionnaire menace à la fois plusieurs points du littoral allemand abordables et stratégiquement favorables à une grande descente. Ces points sont semés sur une assez grande longueur de côte. Les deux extrêmes, qui restent tous deux à 110 milles marins (200 kilomètres environ) du centre de la baie de F... sont reliés par un chemin de fer côtier très tronçonné, d’un débit assez faible et où l’on n’a ménagé ni pentes ni courbes. La longueur totale de cette ligne dépasse 300 kilomètres et la durée du trajet atteindrait une quinzaine d’heures dans des circonstances normales. Sans que j’en dise davantage, sans que je fasse état de la possibilité de détruire, un peu à l’avance, avec des hydravions ou des aéroplanes, certains grands ouvrages d’art, on comprendra quelles facilités ces circonstances géographiques donnent à l’assaillant avisé pour prendre en défaut le défenseur. Celui-ci sera réduit, sur le vrai point d’attaque, à des élémens locaux de surveillance, car il n’aura certainement pas commis la faute de disséminer ses forces actives sur un littoral très étendu.

Je viens de parler de la baie de F... comme point de réunion éventuel de la flotte de transport et des diverses formations de navires de guerre chargées de la protection de celle-ci. En fait.