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l’attaque, à cet équilibre des forces matérielles que se chargera de rompre, au moment décisif, la force morale supérieure de l’un des deux adversaires.


Après ces indispensables préliminaires, la phase maritime comprend l’opération du transport de l’armée, opération compliquée, plus encore que difficile, et qui ne va pas sans de longs préparatifs.

Il faut d’abord se procurer les moyens de transport. Prenons pour base, s’agissant d’un court trajet, en somme, le chiffre de 1 000 tonnes de déplacement par 300 hommes d’effectif, matériel afférent compris. Il nous faut donc 500 000 tonnes pour une armée de 150 000 hommes. 500 000 tonnes, c’est un chiffre ! Ce chiffre n’aurait rien d’effrayant, toutefois, puisque les Alliés, malgré les pertes qu’ils ont subies, disposent de plusieurs millions de tonnes, mais on se trouve immédiatement en présence d’une difficulté de l’ordre économique qu’il faudra s’appliquer à vaincre par des mesures prises longtemps avant la réquisition des navires reconnus nécessaires. Ces navires, en effet, ce sont ceux-là mêmes qui, quotidiennement, par leurs apports réguliers, alimentent les pays de l’Entente et entretiennent, soit leurs magasins, soit leurs usines de guerre. On sent que, pour éviter une crise très grave, il faudra prendre des mesures de précaution minutieuses, ne pas craindre d’intensifier les transports avant la période de préparation de l’expédition, ne pas craindre d’accumuler les stocks, — ce qui suppose l’organisation dans les ports de docks nouveaux, de moyens de levage, de quais utilisables, etc. Il ne faut pas craindre non plus de pousser très activement la construction des « cargos » et celle des remorqueurs, des allèges, des chalands, outillage flottant dont on aura le plus grand besoin pour la mise à terre de l’armée et dont on ne saurait priver les ports sans s’exposer à paralyser leur effort de chargement et de déchargement.

On voit, d’après ces considérations, qu’il ne saurait être question d’entamer l’expédition elle-même avant le printemps de 1917. Mais quoi ! nous y serons bientôt.

Ce n’est d’ailleurs pas sur la flotte de charge seule qu’il convient de porter des soins attentifs. La flotte de guerre doit, elle aussi, s’adapter aux exigences fort complexes de son rôle dans l’opération du transport. J’ai eu l’occasion de dire souvent,