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odeurs empoisonnent les chambrées. — Les prix de la cantine sont bien chers, nous ne pouvons rien acheter !

Les malades ajoutent :

— Voyez l’infirmerie, les remèdes manquent ; l’infirmier n’est pas souvent à son poste.

Etc. etc. etc.

Le délégué de la Commission, — c’est presque toujours un médecin, — regarde, écoute, contrôle et, notes en main, s’en va trouver le commandant du camp. Celui-ci reçoit les observations qui lui sont présentées, et reconnaît, s’il y a lieu, leur bien fondé. Dans le cas contraire, il réplique et se défend. Mais s’il a le cœur tant soit peu humain, bien que ses fonctions de geôlier lui interdisent d’écouter son cœur, il accorde les concessions qu’on lui demande avec tact et courtoisie et fait droit aux réclamations de nos soldats. On peut s’imaginer quel rôle difficile est celui de la Commission espagnole ; ses membres appartiennent à un pays neutre et ne peuvent prendre parti dans la guerre, et pourtant leur rôle d’avocats des prisonniers français les force à défendre contre l’arbitraire, contre la cruauté inutile, les hommes désarmés que l’Espagne a pris sous sa protection. Quelle bonté, quel calme et quel don de persuasion il faut à ces missionnaires laïques !

Leur visite a toujours lieu à l’improviste. Elle se renouvelle chaque mois, ou plusieurs fois par mois, suivant l’importance des camps et le nombre de leurs détachemens. Cette visite est suivie d’un rapport détaillé, qui est adressé à l’ambassade d’Espagne à Berlin, puis communiqué au gouvernement français. Ces rapports arrivent à Paris plusieurs fois par semaine ; en les lisant successivement, on se rend compte de l’effort de la Commission espagnole pour obtenir des améliorations dans le traitement des prisonniers. Certains camps ont obtenu une bibliothèque ; on a permis aux artistes d’organiser un atelier de peinture, de sculpture, aux professeurs de créer des cours pour les soldats ; ici, il y a une salle de gymnastique ; là, un petit théâtre, où l’on joue du Courteline. Presque partout, une chapelle. Les cuisines sont généralement aux mains de nos « cuistots ; » des boulangeries mécaniques ont permis d’avoir un pain meilleur ; des baraquemens reçoivent les colis envoyés en grand nombre, — et jamais assez nombreux, — à nos prisonniers ; car, en dépit des réclamations, le régime de la nourriture