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mur escarpé, au-dessus du coffre Ouest, disposèrent les lance-flammes et d’en haut, avec le secours d’un bras-coude, en introduisirent les tuyaux dans les embrasures. Une flamme de deux mètres, accompagnée de fumée épaisse, chassa la garnison loin de ses canons.

« Alors trente pionniers environ, profitant des brèches ouvertes dans la maçonnerie, purent descendre dans le fossé et arriver de l’autre côté sur le couronnement du parapet principal, où, couchés, ils s’aménagèrent une sorte d’abri dans l’amoncellement des décombres. Cette petite troupe fut aussitôt coupée, les Français ayant remis en jeu les mitrailleuses qui lui interdisaient la retraite, dès que dans le coffre la fumée se fut dissipée. Dans l’énorme vacarme du feu de barrage allemand tombant à deux cents mètres derrière le fort, les cris ne pouvaient se faire entendre à vingt mètres. L’officier qui commandait dut faire, en agitant sa casquette, les signes du télégraphe Morse.

« A sept heures du matin, on réussit à prendre le second coffre, celui de l’Est, après que la garnison, par une brèche que les obus avaient ouverte, eut été accablée de grenades à main : trente hommes y furent pris, et les mitrailleuses, avec abondance de munitions, furent utilisées.

« Mais la fumée n’avait neutralisé l’autre coffre que de façon passagère ; il fallait donc le prendre, n’importe comment. On remplit de grenades à main des sacs à terre, on les laissa glisser le long du mur jusque devant les embrasures, et on les fit alors exploser. Mais cela ne put se faire sans danger pour les braves pionniers, car les Français avaient posé une nouvelle mitrailleuse dans une porte non loin des embrasures et pouvaient ainsi tirer contre toute tôle dépassant le bord supérieur du mur. Pourtant, vers dix-sept heures, les explosions réussirent, et l’on put ainsi pénétrer enfin dans le coffre qu’on avait attaqué le premier. La garnison, par un couloir profond passant sous le fond du fossé, s’était réfugiée dans l’intérieur du fort. L’opération avait été longue, car les explosifs ne pouvaient, à cause du tir de barrage des Français, être montés sur la pente que par petites quantités au prix d’extrêmes dangers. Du moins, pendant l’attente, les pionniers et les fantassins, qui ne travaillaient pas directement aux explosifs, creusèrent des tranchées en haut, sur le glacis, et plus à l’Ouest, à côté du fort ; ils