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à l’observatoire. Un autre est construit au sommet de l’escalier. Ce dernier tiendra jusqu’au 4. Même manœuvre au coffre simple qui est à l’angle Nord-Est : les barrages contiennent l’ennemi devant la grille du couloir, en face des cabinets d’aisance qui demeurent utilisables.

« Dans la demi-obscurité du fort, écrit un rescapé du 142e, la lutte continue. L’ennemi voulait nous exténuer en nous privant de sommeil et en nous prenant par la soif. L’atmosphère était lourde et empestée. A chaque instant, les barrages sautaient et la lutte à la grenade reprenait. Nous ne cédions pas. Mais toutes ces explosions échauffaient l’air ; la fumée et l’odeur le rendaient presque irrespirable, et l’on se battait toujours. Nous avions installé des mitrailleuses, qui barraient les couloirs et qui faisaient du bon travail. C’est alors que les Allemands, ayant réussi à faire sauter un barrage, nous lancèrent des jets de flammes et des liquides enflammés. La chaleur et la surprise provoquèrent une minute d’hésitation. Mais le lieutenant Bazy qui était là avec sa mitrailleuse s’élança, et il fut si rapide qu’avant que nous soyons revenus de notre étonnement, il était debout au milieu du couloir et, tout seul, se battait contre les Boches à coups de grenades. Les flammes venaient jusqu’à ses souliers, il avait le bras gauche bandé, étant déjà blessé, mais peu lui importait : ne pouvant parler à cause de cette fumée noire et acre, il nous donnait l’exemple. Aussi, débarrassés de notre stupeur, nous venons à tour de rôle nous placer à ses côtés. Enfin, les lance-flammes s’éteignirent. Nous avions réussi à arrêter l’attaque et commencions à remonter le barrage lorsque les Boches se mirent à envoyer des pétards qui nous projetèrent tous à terre avec les sacs sur le dos. J’ai bien pensé avoir les reins brisés et je n’ai eu que la force de mettre mon masque en sentant l’odeur des gaz. Un soldat m’a dégagé et porté à l’infirmerie pendant que la lutte reprenait. Les Allemands lançaient des gaz dont la masse lourde stagnait dans les couloirs. Malgré toutes leurs inventions diaboliques, leurs jets de flammes, leurs gaz, leurs pétards, ils n’avançaient pas. C’était superbe. Ils nous criaient en français : « Rendez-vous, sinon vous serez tous tués, » et nous répondions : avec des grenades dans leurs figures… »

C’est le 4 juin vers midi que s’est produite cette attaque par liquides enflammés. Les Allemands les projetaient par la brèche