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Le fort, pour ne pas être investi, doit garder le fossé Sud et les abords. Toute ombre qui s’approche est suspecte. La difficulté est de se faire reconnaître.

«Courage, nous attaquerons bientôt, » a transmis le signal. Et le commandement hâte les préparatifs d’une nouvelle attaque à effectifs plus nombreux. Elle ne pourra être déclenchée que le 6 juin, à deux heures du matin.


Depuis le matin du 2 juin, le fort, comme un lion secoue sa crinière pleine de vermine, est rongé par le Boche qui est devant, de côté, dessus et même dedans, car il a plongé par les deux ouvertures des coffres et tâche à pénétrer dans le cœur de la place. Le commandant Raynal a mis de l’ordre dans la garnison dont les blessés et le reflux des élémens voisins ont trop augmenté le nombre. Elle ne devrait se composer que de la 6e compagnie du 142e, de sa compagnie de mitrailleuses et du génie du fort. Les 7e et 8e compagnies du 142e qui défendirent les coffres de droite l’ont renforcée de plus de cent fusils ; la 7e compagnie du 101e, qui défendait les coffres de gauche, en a ramené une cinquantaine. Une compagnie de mitrailleuses du 53e est restée. Avec les blessés, cela fait un total, de plus de six cents hommes. Six cents hommes qu’il faut abreuver quand la citerne se vide ! Six cents hommes et parmi eux des blessés minés de fièvre qui réclament à boire I Cependant la garnison est subdivisée en relèves, guetteurs et fractions au repos, et les distributions de boîtes de conserves, de biscuits, de chocolat et même d’eau-de-vie sont faites régulièrement. La ration d’eau, qui était d’un litre le 31 mai, est réduite le 2 juin à trois quarts de litre. Elle va tomber à un quart et demi, puis à un quart à peine, et dans quelles conditions ! Dès le 4 juin, une détermination s’imposera au commandant.

Donc, le matin du 2 juin, l’ennemi est aux coffres. Malgré ses pertes, il réussit à serrer de près les défenseurs qui battent en retraite. Le canon-revolver du coffre double a été mis hors d’usage par un obus. La mitrailleuse qui garde l’entrée est brisée par une grenade. La défense est refoulée à l’intérieur. Un barrage est immédiatement établi sous la brèche, mais du dehors les Allemands le dominent et l’accablent de grenades. Il faut reculer le barrage jusqu’au pied de l’escalier qui monte