Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/760

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des tas mouvans que venaient encore déchiqueter les éclats de nos projectiles. »

On se bat maintenant dans les gaines qui, des coffres, conduisent à l’intérieur. Le commandant Raynal fait installer des barrages de sacs à terre préparés à l’avance.

Au dehors, la bataille n’est pas moins violente. Le bataillon Chevassu, du 142e régiment, va se trouver dans une situation critique. L’ennemi, s’il est contenu à l’Ouest du fort par le retranchement R1 dont il ne peut s’emparer, a réussi à se glisser entre la courtine et le fort. Il arrive sur le côté Sud. D’autre part, Damloup a été pris à six ou sept heures du matin, et, par le ravin de la Horgne, des forces nouvelles montent à l’assaut. Le bataillon Chevassu, qui a deux compagnies dans le fort (la 6e et les débris de la 7e que commandait le capitaine Tabourot), a dans sa mission la défense du côté Est du fort : il se maintient, en effet, sur la tranchée de Belfort et sur la tranchée de Montbéliard où la lutte devient un corps à corps. Le sous-lieutenant Huguenin, attaqué par un soldat ennemi, le terrasse, le désarme et se bat avec le fusil de son adversaire. Les Allemands reculent, mais reviennent à la charge, l’après-midi, baïonnette au canon. Les hommes du 142e régiment, renforcés d’une compagnie du 53e, les reçoivent au cri de ; Vive la France !

Cependant, le bataillon est menacé d’être tourné. Ses sections de mitrailleuses se déplacent, font face de trois côtes, en avant, du côté de Damloup à l’Est et, à l’Ouest, contre l’ennemi qui débouche au Sud du fort. Les chefs de pièces désignent posément les objectifs. Le sergent Narcisse, qui se tenait debout auprès de sa mitrailleuse, est tué d’une balle en plein front. C’était un brave qui avait reçu la médaille militaire à la bataille de Champagne. Le caporal Réveille le remplace et crie à ses hommes : « Ne vous faites pas de bile, je me charge de nettoyer les Boches ! »

Les observateurs en ballon signalent au Nord du fort des troupes de plus en plus nombreuses qui se terrent dans nos anciennes tranchées pour éviter nos barrages et gagner du terrain pendant les intervalles. À midi, une quarantaine d’hommes sont vus sur le fort, la plupart tapis dans des trous. À quinze heures, le fort donne lui-même de ses nouvelles :

L’ennemi s’est emparé des coffres Nord-Est et Nord-Ouest. Je