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L’Empereur est toujours bien aimable pour moi. Je fais aussi tout ce qu’il dépend de moi pour faire tout ce qui lui est agréable. Plus de jalousie, mon cher Eugène, et ce que je te dis là est bien vrai. Aussi est-il plus heureux et moi plus heureuse. Je ne puis te rien dire sur les nouvelles politiques, c’est un mystère que l’Empereur ne laisse jamais pénétrer. Il est dans ce moment-ci à Boulogne. Tout ce que je sais, c’est qu’il attend depuis huit jours un courrier qui devait décider de son départ. Tu sais sans doute que le mariage du prince de Bade est rompu, ce qui donne de grandes espérances pour la personne que tu connais. J’ai vu son portrait. On n’est pas plus belle. Ta sœur se porte bien, ainsi que les enfans. J’avais avec moi à Saint-Cloud le second qui est bien beau. Louis est toujours dans le même état. Il me tarde bien, mon cher Eugène, d’être au milieu de l’hiver. C’est l’époque où tu m’as promis de venir me voir. Combien ta mère sera heureuse ! Tu sauras, mon cher fils, que je gémis tous les jours d’être séparée de toi et que mes yeux sont toujours remplis de larmes, toutes les fois que je pense à toi ou qu’on me parle de toi. Si je ne t’ai point écrit depuis mon arrivée, j’ai été bien fatiguée et bien tourmentée par des visites. D’ailleurs, il n’y avait rien de nouveau ; je t’écrirai maintenant toutes les semaines. Je suis convenue avec Lavallette de lui envoyer mes lettres. Adieu, mon bon Eugène, le plus tendre des fils. Ta mère t’embrasse de tout son cœur et t’aime à la folie.

« Mille choses aimables à Mme Litta et à Méjan. »


L’Impératrice dit : « L’Empereur est toujours bien aimable pour moi. » Et voici une lettre qui le prouve :


« J’ai voulu savoir comment on se portait à la Martinique. Je n’ai pas souvent de vos nouvelles. Vous oubliez vos amis. Ce n’est pas bien. Je ne savais pas que les eaux de Plombières eussent la vertu du fleuve Léthé. Il me semble que c’est en buvant les eaux de Plombières que vous disiez : « Ah ! […..] [1] si je meurs, qui est-ce qui l’aimera ? » Il y a bien loin de là, n’est-ce pas ? Tout finit. La beauté, l’esprit, le sentiment, le soleil ?) lui-même ; mais ce qui n’aura pas de terme, c’est le bien que je veux, le bonheur d’en jouir et la bonté de ma Joséphine.

  1. Mot illisible.