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volontaire comme lui, en dit long dans son apparente sécheresse sur ses sentimens intérieurs :


Jeudi, 11 août 1904.

« Sous-lieutenant de réserve, pour vingt-huit jours, au camp de Bréau, sous Fontainebleau,

« Prêt à partir en manœuvre, je ne puis ni vous joindre ni vous écrire que cette carte-lettre ; je vous demande, pour les premiers mois de la rentrée, un cahier Waldeck-Rousseau.

« Votre

« Charles Péguy. »


Les Cahiers, c’est l’arme qu’il a forgée pour la défense de ses idées. Leur lecture même dévoile les difficultés toujours renaissantes au milieu desquelles il ne cesse de se mouvoir pour en maintenir la publication. Péguy entendait les affaires a peu près comme ces philanthropes qui, enflammés de l’esprit de charité, commencent par créer les œuvres, sauf à chercher ensuite au jour le jour les moyens de les faire subsister.

Peut-être ne lira-t-on pas sans intérêt ces deux lettres qui le prennent sur le vif dans sa lutte quotidienne pour l’existence des Cahiers.


Vendredi 9 juin 1905.
« Mon cher Millerand,

« Cinq abonnemens nouveaux hier jeudi ; deux abonnemens nouveaux ce matin ; je ne vous envoie pas ces nombres pour harceler votre attention ; je sais qu’elle n’a pas besoin d’être relancée ; mais j’éprouve un besoin de me tenir en communication avec vous dans la situation tragique où je me trouve, père nourricier d’une entreprise qui croît de toutes parts et non assuré de la pouvoir conduire de fin de mois en fin de mois jusqu’en octobre.,

« Je suis respectueusement votre

« Charles Péguy. »


Lundi 17 juillet 1905.
« Mon cher Millerand,

« Je vous inscris donc pour l’action numéro 46 et votre ami pour l’action numéro 47 ; par ces nombres mêmes vous voyez