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le désirait passionnément, dans la section active de mitrailleuses. Et le 9 mai 1915, en Artois sous Arras, après l’enlèvement des Ouvrages Blancs situés près du village de la Targette, il tombait frappé d’une balle au cou, au premier jour de la grande offensive. Voici sa citation personnelle, d’autant plus glorieuse que son bataillon tout entier fut aussi cité à l’ordre de l’armée : « Tous les gradés et la plupart des servans de sa section de mitrailleuses étant tombés pendant la marche en avant, a continué à porter sa pièce à travers un terrain violemment battu par les feux d’infanterie et d’artillerie et a été mortellement frappé en mettant en batterie. »


Ferveur joyeuse des jeunes âmes éprises de beauté jusqu’à la mort ! Leur force dépasse cette mort négligeable pour aller s’épanouir d’un coup dans une éternité qui, pour le poète, est le resplendissement d’un lyrisme sans fin ! Qu’elle est vivante et vibrante, la mort héroïque et parfaite du charmant poète Hernando !

Maintenant il repose dans cette terre qu’il a chérie, défendue et arrosée de son sang. Tu as accueilli, terre de France, cet enfant latin qui t’aimait d’amour. Sois-lui douce et sois-lui légère, car il t’a désirée comme une amante et vénérée comme une sainte ! Tous les plus beaux élans de ce jeune et valeureux cœur, tous les plus beaux rêves de son esprit, toutes les aspirations de son âme se sont résumés en toi, et pour toi. Quel est donc ton prestige, ô terre enchanteresse, pour que tant de héros, jalousant ceux qui sont nés de toi, aient voulu s’endormir dans ton sein pour devenir au moins tes fils dans la mort ? C’est qu’à ton front toujours clair, toujours jeune, brille l’honneur de cette beauté, qui, à elle seule, pour les plus nobles cœurs est une patrie. Tu l’incarnes, ô France, cette patrie d’héroïsme et d’amour pour laquelle battent ces nobles cœurs ; une fois de plus, sois orgueilleuse d’avoir fait palpiter celui-là, haut et fier entre tous, qui, épris de toutes les harmonies, sut se sacrifier et voulut mourir pour la grande harmonie française.


Gérard d’Houville.