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procédés révolutionnaires pour s’en débarrasser, chose facile dans un pays où la majeure partie de la population était restée dans l’ignorance de ce qui se passait en Europe et vivait à la remorque de quelques groupes de politiciens, divisés entre eux, dont elle subissait aveuglément les avis et les directions.

L’indiscipline des partis, voilà donc la première difficulté qu’allait voir se dresser devant lui le prince de Bulgarie. Sur celle-là s’en greffait une autre plus grave encore, résultant du régime parlementaire octroyé aux Bulgares par l’imprévoyance de leurs protecteurs et qui ouvrait une tribune aux ambitions et aux intrigues de personnages qui jusqu’à ce jour n’avaient guère pris la parole que dans des conciliabules secrets. : A peine entrée dans la voie de la liberté, la Bulgarie souffrira de la multiplicité des factions et de leur rivalité. A l’exemple des pays cil fonctionne ce régime, on voit se former dans celui-ci des groupemens dont les étiquettes plus ou moins trompeuses ne dissimulent qu’imparfaitement les ambitions personnelles et surgir des hommes obscurs, inconnus jusque là, qui, sans expérience de la vie publique, se croient néanmoins dignes de gouverner et poursuivront inlassablement la chasse au portefeuille. Tel est le spectacle qu’offrira la Bulgarie pendant le règne d’Alexandre de Battenberg et qui, dès le début, mettra en vedelte quelques hommes, toujours les mêmes : Zancof, Karavélof, Grécof, Natchovitz, d’autres encore parmi lesquels prendra place ultérieurement le plus entreprenant et le plus habile de tous, Stamboulof.

C’est entre ces personnages, issus pour la plupart des plus humbles milieux sociaux, que le prince Alexandre sera contraint de recruter son personnel de gouvernement et avec leur aide que la Bulgarie fera son apprentissage du régime parlementaire, dénaturé et faussé, dont l’a dotée le Congrès de Berlin. Les renversemens de ministères et les dissolutions de Chambres ne se compteront plus ; conservateurs et libéraux se livreront, pour la conquête du pouvoir, des luttes acharnées, commettront les mêmes fautes, subiront les mêmes chutes, sans qu’on puisse signaler une amélioration ou des progrès dans la marche du gouvernement.

La situation se complique encore par suite du conflit qui s’engage entre les partisans de l’influence russe qui la défendent dans la personne de ses agens en souvenir des services rendus