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« Tout à coup, vers 15 heures, l’artillerie allemande qui fait rage depuis un moment allonge son tir et nous voyons des Boches qui s’avancent. Ils sont fauchés par nos balles de fusil et de mitrailleuses. Ils hésitent et s’arrêtent, et nous redoublons notre tir pendant que celui de nos mitrailleuses s’arrête. Je regarde et je vois au milieu de la poussière des ombres qui s’agitent. C’est le sergent Favier qui, sorti indemne, déterre sa pièce, la nettoie sous le feu de l’ennemi et, aidé de ses hommes, la met en place aussi tranquillement qu’à la manœuvre.

« Vers 17 heures, nous voyons, à notre grande surprise, une soixantaine de soldats français sortir des tranchées allemandes. Ils viennent sur nous. Ils ont des grenades et vont les lancer : « Feu ! ce sont les Boches. » J’ai à peine lancé ce cri que les feux de salve se succèdent rapidement et que ceux des Boches habillés en Français qui n’ont pas été atteints s’enfuient éperdus et regagnent leurs trous.

« Vers 19 heures, de deux côtés à la fois, du Nord et de l’Est, les Boches s’avancent sur la batterie ; ils veulent nous encercler et prendre d’assaut la position confiée à notre garde. Mais nous tenons bon, l’artillerie exécute des tirs de barrage efficaces, le bataillon du 52e nous envoie des renforts et nous repoussons toutes les attaques. Des Boches tombent à moins de dix mètres de la batterie. Certes, les minutes sont angoissantes, mais nous devons tenir coûte que coûte ; c’est l’ordre, et nous l’exécuterons. A 20 heures, nouvelle attaque, nouvelle défense de notre part. Enfin, nous pouvons respirer, enterrer nos morts, évacuer nos blessés, reconstituer nos positions et nous préparer à repousser de nouveaux assauts. Mais c’est la troisième nuit que nous ne dormons pas, trois nuits qui ajoutent leurs fatigues à tout ce que nous avons enduré précédemment. Mais qu’importe, personne ne songe à se reposer, car il faut garder le sol qui nous est confié... »


Les Allemands ont attaqué la position de la batterie de trois côtés : à l’Est, en débouchant du village de Damloup avec des uniformes français ; au Nord, face à la tranchée de Saales ; à l’Ouest, en montant du ravin de la Horgne. Tous leurs assauts ont échoué, mais ils sont parvenus jusqu’à dix mètres de la batterie. L’alerte a été chaude et rude le combat. Le bataillon Pélissier, du 52e, a fourni des renforts. Les feux des deux