Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et rayonnans messagers de la victoire. Droits sur l’arçon, la crinière flottante, ils arrivaient, dans un poudroiement d’or, par la route d’Oycs. L’instituteur leur fit part de la rencontre précédente. « Si vous étiez arrivés cinq minutes plus tôt, leur dit-il, vous les cueilliez. — On les aura, » répondirent-ils, et ils piquèrent des deux. Mais, presque partout, l’ennemi avait une étape d’avance sur nous et ses arrière-gardes étaient fortement organisées. Aux deux extrémités des marais, à Morains-le-Petit, que le 68e et le 90e d’infanterie atteignaient vers cinq heures et demie, et à Saint-Prix, où la division marocaine s’engageait à la même heure, il ne tentait aucune résistance. À Saint-Prix seulement, il avait essayé de couper la route par une barricade de peupliers, « mais, au lieu de tomber au travers du chemin, dit l’abbé Néret, les grands arbres de France, comme consciens de leur rôle, s’écroulèrent de chaque côté de la rivière, » et nos troupes passèrent. Elles étaient moins heureuses à l’Est des marais, à Pierre-Morains et à Ecury-le-Repos notamment, où un bataillon du 347e de ligne se heurtait à une forte arrière-garde saxonne qui lui démolissait trois officiers, dont son chef de bataillon, et 250 hommes : les élémens de la 52e division de réserve durent rétrograder sur Morains-le-Petit, et la poursuite, de ce côté, ne put reprendre qu’à la nuit. Sur la Vaure et la Somme, en revanche, où opérait la magnifique 42e division, lancée en flanc sur la IIIe armée allemande et dont l’artillerie, dès huit heures du soir, la veille, foudroyait von Hausen dans Connantre, elle ne subissait aucun arrêt[1] et talonnait étroitement l’ennemi jusqu’à la Marne. Si méthodique, d’ailleurs, qu’eût été le repli des deux armées von Bülow et von Hausen, il n’avait pu s’opérer sans d’énormes sacrifices d’hommes et de matériel. Le temps lui manquant pour enlever ses blessés et ses morts de la journée, déjà rangés en longues files le long des routes, l’ennemi les avait tout simplement abandonnés. Sur la route d’Oyes à Villcvenard, ils formaient ainsi une longue allée funèbre ; devant le prieuré de Saint-Gond, un jeune Allemand était tombé au moment où il faisait

  1. Sauf à Sommesous, semble-t-il. « Sommesoiis, occupé par une troupe saxonne, lui avait été enlevé avec assez de facilité. Mais la Garde prussienne, dans un retour offensif, nous le reprenait. Nous y revenions à nouveau, etc. » (Fabreguettes, op. cit.) De toute façon, si celle action est postérieure à notre repli sur Gourgançon, elle ne saurait être située à la date du 8.