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10e corps. Là aussi, dans toute la région Charleville-Corfelix-Le Thoult, le 10e corps, mis à la disposition du général Foch par Franchet d’Espérey pour « boucher le trou » qu’y avait ouvert le départ de la 42e division, ne progressait d’abord que lentement vers Bannay, qui lui était fixé comme objectif. Les Allemands continuaient de tenir sur toutes leurs positions : de Chapton au Glos-le-Roi, pointe orientale de la forêt du Gault, leur front décrivait autour de Yilleneuve-lès-Charleville un arc de cercle que nous n’arrivions pas à briser ; en outre, la chute de Mondement avait supprimé le saillant que nous poussions dans leurs lignes à l’Est de Chapton et leur assurait la libre communication des marais. Peut-être la situation du 10e corps eût-elle été assez hasardée, si Franchet d’Espérey, avisé de la résistance qu’il rencontrait, n’avait donné l’ordre à son ler corps, maître du plateau de Vauchamp, de s’infléchir vers le Sud-Est en attaquant à fond sur Baye et Villevenard. Von Bülow, qui avait déjà perdu le matin Montmirail, se voyait menacé à revers par cette attaque et pensait déjà peut-être à se dérober. C’est à ce moment, vers une heure de l’après-midi, suivant une lettre du général Lanthoine à l’évèque de Châlons, que le brave curé de Villeneuve-lès-Charleville, M. l’abbé Laplège, qui, pendant toute la bataille, était demeuré auprès de ses paroissiens, « voyant une reconnaissance d’artillerie traverser le village, se porta au-devant du lieutenant-colonel et lui proposa de donner des renseignemens sur les positions ennemies. L’abbé Laplège conduisit le lieutenant-colonel à la lucarne d’un grenier et, du haut de cet observatoire, il lui situa, avec une précision absolue, les batteries ennemies et un nœud de communications important, point de passage obligé pour les troupes allemandes en retraite[1]. » La plus dangereuse de ces batteries, — six pièces de 105, qui balayaient tout le plateau et arrêtaient la progression de nos troupes, — était défilée à gauche de la route de Fromentières, derrière la briqueterie du Thoult-Trossay : prise sous le

  1. Lettre du 29 février 1916. Le général Lanthoine ajoutait : « Le lieutenant-colonel d’artillerie, qui put mettre à profit ces renseignemens, terminait son compte rendu en disant qu’il lui semblait « de toute justice de signaler la conduite de ce brave curé qui, après tout, risquait d’être fusillé sans phrases, si un retour offensif avait remis les Allemands en possession de Villeneuve. » En somme, les renseignemens fournis par l’abbé ont été très utiles à notre artillerie, et j’estime que les remerciemens qu’il mérite indubitablement auront pour lui plus de prix, s’ils lui sont transmis par l’intermédiaire de Votre Grandeur. »