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— Allons, mes gars, allons, mes braves, criait au 77e le colonel Lestoquoi. Un dernier coup de collier, et ça y est ! Pour les préparer à ce « coup de collier, » le commandant de Beaufort, qui menait la première vague d’assaut, avait fait sortir des rangs un prêtre-soldat et lui avait demandé « de donner une suprême absolution aux hommes qui voudraient la recevoir[1]. » C’étaient des Vendéens, des gars de Cholet. Tous ployèrent le genou et se découvrirent. Et, derrière son commandant, le bataillon s’ébranla.

Il devait attaquer Mondement par la route de Broyés, sur laquelle s’ouvre la cour d’honneur, séparée de la route, qui s’encaisse fortement à la desconte, par un terre-plein planté de tilleuls. Le commandant de Beaufort et le lieutenant de Segonzac-Montesquieu arrivent les premiers devant les grilles : Beaufort est tué net, Montesquieu grièvement blessé. Il y a un court moment d’hésitation chez les hommes, dissipé par l’entrée en scène, baïonnette au clair, du 3e zouaves, qui débouche à revers, par le parc, et du 2e tirailleurs, qui par la Bedaine et le sentier qui longe la ferme de Chardin, est arrivé en rampant sur le plateau, « à temps, dit une correspondance privée, pour recevoir le dernier soupir de Montesquieu, fait capitaine dans la cour même du château. » Les Allemands tiennent encore dans les tours d’angle et le pavillon principal. Marocains et zouaves, lâchant leurs fusils, défoncent les portes à coups de barres de fer arrachées des grilles et se ruent à l’intérieur. C’est le corps à corps, la tuerie et, finalement, le sauve-qui-peut général. Mais peut-être les pertes ennemies à Mondement furent-elles moins grandes qu’on ne l’a dit[2]. Déjà le mouvement de conversion des armées von Bülow et von Hausen était commencé ; l’ordre de retraite était parvenu aux diverses unités vers cinq heures du soir. Ce n’est qu’une forte arrière-garde du 164e hanovrien qui défendait à ce moment le château.

Quoi qu’il en soit, la prise de Mondement et de sa falaise couronnait magnifiquement, à sept heures du soir, les beaux succès obtenus à notre gauche par le général Lanthoine et le

  1. Néret, op. cit.
  2. « L’intendant du château a rapporté que des bataillons entiers furent anéantis. Dans le parc seulement, ou compta environ 3 000 morts allemands parmi lesquels deux généraux. » (P. Fabreguettes, op. cit.)