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présente, en particulier, il n’y a pas eu une seule des « atrocités, » ni non plus une seule des grotesques et stupides erreurs, commises, quasiment tous les jours, par les sujets militaires ou civils de l’empereur Guillaume, où je n’aie eu nettement l’impression de retrouver, avant tout, l’effet d’un « manque total d’initiative et d’autonomie personnelles. » Combien de fois j’ai eu l’occasion de signaler, ici même, de semblables effets, — soit qu’il s’agît de la littérature ou de l’art des Allemands, de leur science, ou bien encore de la manière, parfaitement « épidémique, » dont une simple allusion du Kaiser au danger des « espions russes » les a tous transformés en une horde monstrueuse d’animaux féroces, s’acharnant à torturer des milliers inoffensifs de malades, de femmes, et d’enfans ! Et c’est dire que je me trouvais d’avance le mieux préparé du monde à partager l’opinion d’un éminent poète et philosophe anglais, M. Edmond Holmes, telle qu’il vient de nous l’exposer dans un très subtil et savant petit livre dont le titre équivaudrait, en français, à quelque chose comme : La Rançon de la Docilité allemande.


Le mot « docilité, » — nous apprend M. Holmes dans la préface de son livre, — n’est peut-être pas assez fort pour l’objet qu’il devra désigner ici. Mais, d’autre part, le mot « servilité, » qui était le seul autre terme dont je pusse me servir, se trouvait être sinon certes trop fort, du moins revêtu d’un sens trop étroit. Aussi demanderai-je simplement à mon lecteur de se rappeler que, par « docilité, « j’entends une disposition foncière à obéir n’ayant d’autres motifs qu’un amour naturel de l’obéissance ; ou bien encore j’entends par « docilité » un besoin profond d’être commandé et de recevoir des ordres, une répugnance innée à se charger de toute responsabilité et à exercer toute initiative. Ainsi comprise, la « docilité, » quand elle se trouve être le trait caractéristique d’une race, peut devenir une force destructive infiniment puissante. Car une majorité « docile » implique l’existence d’une minorité dominatrice ; sans compter que la majorité trop « docile » peut elle-même pousser la docilité au point de se faire, à son tour, tyrannique et dominatrice, par imitation de ses maîtres, qu’elle prend naturellement pour modèles. Et ainsi c’est chose possible, pour un peuple, d’être comme de l’argile entre les mains de chefs ambitieux et dénués de scrupules, et puis de se montrer, en même temps, agressif et plein d’arrogance et de vanité dans sa conduite à l’égard du reste du monde.


Le sens général du mot nous étant ainsi défini, M. Holmes n’a point de peine à prouver qu’une telle « docilité » est bien, aujourd’hui, l’un des « traits caractéristiques » de la race allemande :


Sans aucun doute possible, les Allemands sont le peuple le plus obéissant qui existe à la surface du globe. Dire d’eux qu’ils obéissent