Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’en 1913, à la Conférence de Londres, elle a imposé à l’Europe la création d’une Albanie autonome, afin que cette partie du rivage adriatique où est Valona ne devînt ni serbe ni italienne. C’est pour cela enfin qu’à côté de l’Autriche, l’Allemagne s’efforçait de s’introduire dans l’Adriatique, faisait de Pola le port d’attache, au moins provisoire, de la division navale que, depuis 1913, elle entretenait en Méditerranée, et, obscurément, préparait, dans cette Albanie alors gouvernée par un prince allemand, la réalisation plus ou moins prochaine de ses ambitieuses visées sur Valona.

On sait quel parti l’Autriche a tiré, dans la guerre actuelle, de ce long travail de préparation. Malgré les efforts des flottes alliées, elle n’a point jusqu’ici abdiqué la maîtrise de l’Adriatique et, de leur base navale de Cattaro, ses escadres ont tenté plus d’une entreprise audacieuse. On sait comment, dans ces derniers mois, les troupes autrichiennes ont emporté d’autre part, avec une facilité qui a surpris, la formidable position du Lovcen, dont la menace inutile avait si fâcheusement épargné Cattaro ; comment, après le Monténégro, elles ont conquis sans grande difficulté l’Albanie tout entière, Scutari à l’intérieur, et sur la côte. Saint-Jean de Medua, Alessio, Durazzo, bien accueillies, semble-t-il, par la majorité des tribus albanaises depuis longtemps inféodées à la monarchie. On sait enfin comment la menace autrichienne s’est étendue jusqu’à Valona. En sorte qu’on pouvait se demander si, en apparence du moins, le rêve adriatique de la monarchie n’était pas à la veille de se réaliser.


II

Mais avant d’être austro-hongroise, la côte orientale de l’Adriatique a été — et bien plus longtemps — italienne. Je n’entends point parler ici — encore qu’en Italie on en tire argument parfois — des monumens magnifiques dont Rome jadis couvrit ces rivages, de ces arènes de Pola, imposantes à l’égale du Cotisée, qui dominent la rade de leur masse puissante, ou de ce palais de Dioclétien, résidence impériale et forteresse tout ensemble, assez vaste pour qu’une ville entière, Spalato, ait pu s’y abriter. Je ne parle point, — encore que ces souvenirs aient enflammé parfois les ambitions italiennes,