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De notre côté, les bénéfices de l’union ne seraient pas moins considérables que du côté italien.

Quand le travail aura repris dans tout notre pays, quand les industries qui chôment, en ce moment, rouvriront leurs usines, nous aurons à remplacer des milliers de travailleurs disparus. Pour combler ces vides, il sera naturel et très légitime de demander, en échange de nos capitaux, une contribution plus Urge de la main-d’œuvre italienne. Inévitablement, il faudra nous préoccuper d’augmenter, chez nous, l’immigration de nos voisins, et tâcher de détourner vers nos fabriques, nos chantiers, nos mines et nos champs ces véritables armées de manœuvres que l’Italie déversait annuellement sur l’Allemagne. D’une façon générale, il conviendrait de favoriser l’immigration latine, aussi bien celle des Espagnols que celle des Italiens. Nous y gagnerions d’abord d’introduire chez nous des collaborateurs moins suspects, des candidats à la naturalisation plus proches parens de nos mœurs et de notre esprit, plus capables de se fondre dans la masse nationale. Au lieu de tous ces Allemands, qui, avant la guerre, tenaient, chez nous, une foule d’emplois, qui envahissaient nos villages, nos fermes, nos maisons isolées, que ne faisons-nous appel à nos frères ou à nos cousins d’Espagne ou d’Italie ? Ils peuvent s’acclimater aussi bien dans le Centre et dans le Nord que dans le Midi. Déjà, dans le bassin de Briey, il y avait de très denses colonies italiennes. A Jœuf, comme à Tunis, ces travailleurs s’étaient groupés dans des quartiers spéciaux, qu’on appelait « la Petite Italie. »

Je sais bien que, en deçà des Alpes, l’opinion devient de plus en plus hostile à l’émigration. Elle y voit un appauvrissement pour la mère patrie et comme un aveu d’infériorité. Néanmoins, pour le moment, c’est une nécessité, dont il lui est difficile de s’affranchir. Et, somme toute, ne vaut-il pas mieux, pour des Italiens, venir s’employer dans un pays voisin et ami, que de s’en aller au Brésil remplacer les nègres dans les plantations de café ? On comprend parfaitement que le gouvernement italien s’applique à diminuer peu à peu cette déperdition des forces vives du pays. Il peut arriver sans doute à la supprimer complètement. Mais, le jour où les Italiens ne viendront plus chez nous, nous espérons fermement que le