Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
LES MARAIS DE SAINT-GOND.


c’est un des corps de Bülow, et nulle part la lutte ne revêtit un caractère plus farouche et plus acharné.

Si nous avions dû nous replier le 5 au soir derrière le Petit-Morin et le pont de Saint-Prix, on se rappelle que nous tenions la crête immédiatement au-dessus, le Signal du Poirier et le bois de Saint-Gond, qui couvrent Mondement au Nord-Ouest. Oyes, Reuves, les trois Broussy, Bannes étaient encore à nous, tenus par le 9e corps qui progressait même sur leurs chaussées avec Moussy et la 17e division ; mais Mondement, vaste quadrilatère flanqué de tours en poivrière, qui regarde par une de ses faces les marais, est exposé directement au feu des pièces établies sur Gourjeonnet, Chenaille et Congy.

Le château, bien que d’une ornementation assez pauvre, a grande apparence en raison de sa masse, surtout vers la route de Broyés, où donne la cour d’honneur, fermée par une grille en fer dont les piliers portent deux lions lampassés. Plusieurs fois restauré, il appartenait, en 1541, à une famille de Chasserat, qui le transmit par mariage aux de Geps, de qui il passa aux Lefèvre de Gaumartin, puis à un Lestrange, capitaine de dragons et Provençal, qui s’en défit contre espèces sonnantes entre les mains d’un traitant de la région. Honoré Bérard, originaire de Cormontreuil, près Reims. Avec les bàtimens, Bérard avait acheté les titres et droits seigneuriaux, dont il était plus friand que du reste. Il faillit lui en cuire sous la Révolution. Dénoncé par Oudet, agent national du district, comme un « être absolument immoral, » coutumier « des propos inciviques, suspect, avare, plaideur, » qui laisse « périr ses comestibles et ses denrées, » qui cherche « à affamer le peuple, » qui « a loué sa maison Vaugirard, rue du Bonnet-Rouge, à Glermont-Tonnerre, président de l’infâme club monarchique, pour y tenir ses séances, » il est arrêté le 23 octobre 1794 à Sézanne et les scellés sont posés sur son château. Une perquisition postérieure y fait découvrir quelques gerbes de blé non battues, une pièce devin entamée, des pommes de terre avariées, cinq boisseaux d’avoine, onze douzaines de chanvre femelle, du chènevis épars sur le plancher et, — chose plus grave, — » deux paquets de poudre à tirer, une demi-livre de balles de plomb et un fusil de chasse de trois pieds quatre pouces de long, la crosse garnie de velours, la vergette dorée[1]. » Il n’en fallait pas davantage,

  1. Abbé A. Millard, Histoire de Sézanne.