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CHEZ LES NEUTRES
ENQUÊTE EN HOLLANDE

Dans la nuit impérieuse qui, masquant les plus humbles feux, dérobe la basse Tamise au vol des Zeppelins, le Prinz Hendrik embarque comme à regret ses rares passagers. Ce survivant des courriers de Hollande est un paquebot suranné, aux aubes bruyantes de moulin, réarmé en hâte pour remplacer la Princesse Juliana, le Mecklembourg, tant d’autres troués par les mines allemandes [1]. Et c’est, d’abord, un bureau de police.

Le commissaire néerlandais n’exige qu’une — réconfortante — signature : l’engagement de naviguer à vos risques et périls, sans garantie d’arrivée. Mais trois équipes de commissaires britanniques soumettent à une expertise civile et militaire tous les gens et toutes les choses du bord. Pendant des heures ils interrogent, ils identifient, ils perquisitionnent ; d’agiles détectives, tous élèves de Sherlock Holmes, palpent les portefeuilles, explorent les chapeaux, sondent les talons suspects de receler quelque correspondance occulte.

Enfin les touristes de guerre, dont la plupart ont subi déjà huit jours d’enquête à Londres, sont relâchés par l’autorité anglaise : aussitôt l’autorité hollandaise s’en saisit pour leur signifier quelques agréables consignes. Dès la sortie du fleuve, en prévision des torpilles, évacuation des cabines, blocus de la salle à manger ; en prévision des mines, interdiction de circuler à l’avant. Après quoi il n’y a plus qu’à reconnaître les stocks

  1. Le 30 juillet, la Königin Wilhelmina saute et coule entre Grawesend et Flessingue.