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LA BATAILLE NAVALE
DU 31 MAI

La bataille navale du 31 mai 1916 offre ce caractère particulier qu’elle n’est pas l’aboutissement tactique d’une opération stratégique qui se déroule normalement. Elle ne résulte pas non plus d’une rencontre fortuite d’adversaires opérant sur le même théâtre, mais qui ne se recherchaient pas expressément. Non ; cette bataille qui, après vingt-deux mois d’attente, a mis aux prises les armées navales d’Allemagne et d’Angleterre, a été parfaitement voulue par les deux partis, sans autre préoccupation, — quoi qu’on ait pu dire des prétendus objectifs stratégiques des Allemands, — que de mesurer leurs forces dans les meilleures conditions de leur emploi.

Mais, avant d’entreprendre mon étude, je dois dire au lecteur qu’il ne saurait être question, en ce moment, de fixer avec exactitude les traits d’un événement maritime sur lequel nous n’avons pas encore de relations officielles. Ces relations, d’ailleurs, si elles étaient livrées au public, ne resteraient-elles pas volontairement imprécises, à supposer qu’elles ne fussent pas nettement tendancieuses ? Au cours d’une guerre, tout est sacrifié, dans cet ordre d’idées, à l’effet que l’on veut produire sur l’opinion. De part et d’autre, avec plus ou moins d’habileté et d’opportunité, on cherche à pratiquer ce que le colonel Feyler, l’éminent critique militaire suisse, appelle si justement la « manœuvre morale. »

Bornons donc notre ambition à tracer une simple esquisse, à ébaucher une physionomie incertaine, Gardons-nous surtout