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La main de l’Allemagne, répétons-le, traîne partout en cette tragi-comédie. Elle s’est glissée, depuis des années, dans l’université, dans les municipalités de Dublin et de Cork, avec les professeurs allemands de philologie celtique, Zimmer et Kuno Meyer. Dès le premier jour de l’insurrection, elle a tenu la plume qui a écrit la proclamation de James Connolly. C’est elle qui a rédigé, dans le premier numéro du journal Irish War News, le long article qui a pour titre : Si les Allemands conquièrent l’Angleterre. C’est elle qui lance effrontément des dépêches de ce genre : « Verdun est tombé aux mains des Allemands ; la Hollande a déclaré la guerre à l’Angleterre et la flotte britannique a perdu dix-huit bâtimens en un combat dans la mer du Nord ; » pendant exact à la pancarte exposée en face des tranchées anglaises sur l’Yser et annonçant un désastre britannique en Irlande. C’est elle qui promet l’appui de la « chevaleresque « et « victorieuse » Allemagne, car quelle autre main qu’une main allemande aurait pu, sans se dessécher, accoler à ce nom ces deux épithètes ? Elle est là, la main allemande, et elle y tricote, et elle y tripote, comme elle tricote et tripote dans l’Afrique australe, aux États-Unis, dans les Indes néerlandaises. Le véritable sens de la Weltpolitik, n’est-ce pas : l’Allemagne partout, et se croyant chez soi chez les autres, avide de chasser les autres de chez eux ? En Irlande, on ne peut pas dire qu’elle n’ait pas obtenu de résultat, bien que ce ne soit pas celui qu’elle cherchait. Elle a fait apparaître l’unité, l’unanimité de l’Empire britannique dans la guerre soutenue et à soutenir contre elle. Elle a donné l’argument décisif en faveur du service militaire obligatoire. Et, par là, si elle n’a pas fait de révolution en Irlande, elle a contribué, malgré elle, à en faire une en Angleterre. Elle a tacitement avoué que l’infiltration allemande crée ou entretient, à l’intérieur de chaque État, une constante et croissante menace, dans le moment même où elle est, vis-à-vis de la plus puissante des Puissances neutres, dans une position infiniment délicate.

C’est le 4 mai seulement que le gouvernement allemand a remis sa prétendue réponse à la note américaine qui lui avait été signifiée le 20 avril. De ce document gratté et regratté, pendant quatorze jours, par des civils, des marins et des militaires, on n’est pas sûr encore d’avoir un texte authentique. Il en existe plusieurs variantes. Il y en a, s’il est permis de s’exprimer ainsi, pour l’usage interne et pour l’usage externe, pour l’opinion allemande et pour le dehors. Il y a la version adoucie des radiotélégrammes et la version renforcée de l’Agence Wolff. La presse allemande, la plus savamment orchestrée