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dans le domaine économique, «. leur solidarité de vues et d’intérêts ; » mais imitons le vague prémédité du protocole, et bornons-nous à dire que, là comme en ce qui est du domaine diplomatique, la volonté de victoire est la garantie de l’unité d’action.

Le paragraphe III et le paragraphe IV abordent les détails : « En vue de renforcer, de coordonner et d’unifier l’action économique à exercer pour empêcher les ravitaillemens de l’ennemi, la Conférence décide de constituer à Paris un comité permanent dans lequel tous les Alliés seront représentés. » De plus. « la Conférence décide ; 1° de poursuivre l’organisation entreprise à Londres, d’un Bureau central international des affrètemens ; 2° de procéder en commun, et dans le plus bref délai, à la recherche des moyens pratiques à employer pour répartir équitablement entre les nations alliées les charges résultant des transports maritimes et pour enrayer la hausse des frets. » En résumé, l’article III devrait être intitulé : Du blocus, et l’article IV : Des frets. Tous les deux sont d’une importance qu’il est oiseux de souligner. Parce que les mailles du blocus sont trop larges, parce qu’il y a des trous et des déchirures dans le filet, les Empires du Centre ne sont pas paralysés comme ils pourraient l’être ; et parce que les navires sont trop rares, ou trop longtemps retenus dans les ports, les frets trop élevés, les transports trop lents, l’Entente souffre tout au moins d’une espèce de paralysie partielle, qui fait qu’elle n’a pas jusqu’ici donné le plein de son pouvoir. L’Italie, notamment, attend du blé et du charbon. En temps de guerre, la maîtrise de la mer n’est rien, si ce n’est pas l’usage exclusif et intensif de la mer.

Récapitulons. On se plaignait que l’Entente n’ait pas eu, pendant plus de vingt mois, d’organe de coordination, dans l’absolue nécessité où les huit Puissances qui la forment sont pourtant de tout coordonner. La Conférence l’aura enfin dotée de plusieurs de ces organes ; de deux au moins : à Paris, un comité permanent, qui a pour tâche d’empêcher les ravitaillemens de l’ennemi, qui existe dès maintenant et travaille sous la présidence d’un de nos cinq ministres d’État, M. Denys Cochin ; à Londres, un second comité permanent, Bureau central des affrètemens, dont les élémens étaient rassemblés et dont la mise en train sera rapide. Par surcroit, des organes, si je puis ainsi dire, intermittens. Une grande conférence économique ; une grande réunion des états-majors ; dans les intervalles, pour faire la liaison, des délégations civiles, militaires et parlementaires. Après avoir déploré que nous fussions si dépourvus, Montesquieu, Tocqueville ou Taine, s’ils revivaient, penseraient peut-être que c’est beaucoup.