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C’est au gouvernement impérial allemand que nous devons demander compte de l’horrible catastrophe qui vient de précipiter au fond de l’Océan une foule de femmes et d’enfans américains, sans nous inquiéter de savoir s’il a donné ou non à ses marins l’ordre spécial d’accomplir ce crime, digne de figurer désormais en parallèle avec la destruction de Louvain et de Dinant, les massacres pratiqués en Belgique et dans le Nord de la France, afin d’intimider la population civile, et tant d’autres actes d’affreuse barbarie. »

Et voici de quelle façon M. Roosevelt énonçait, à ce moment, son projet d’une « intervention » des États-Unis :


J’apprends aujourd’hui par des télégrammes de Washington, — écrivait-il, — que l’Allemagne veut bien nous offrir d’arrêter ses procédés d’assassinat maritime (commis en violation de nos droits de neutres, qu’elle s’est engagée à respecter), si, de notre côté, nous voulons bien abandonner encore d’autres de nos droits, — des droits dont elle s’était également engagée à nous les laisser exercer sans molestation. Une offre semblable ne mérite pas même l’honneur d’une réponse. L’envoi d’armes et de munitions à une armée belligérante peut être une chose morale ou immorale, d’après l’usage qui doit en être fait. Que si cet envoi, dans l’espèce présente, devait avoir pour effet d’empêcher la réparation des dommages monstrueux causés à la Belgique, en ce cas il serait immoral de l’autoriser. Mais si armes et munitions doivent servir à la réparation de ces dommages, si elles doivent hâter le jour où la Belgique se trouvera rendue à son peuple innocent cruellement lésé, en ce cas leur envoi devient une action éminemment morale.

Et donc, pour en revenir à la situation où vient de nous placer l’attentat allemand, il faudrait que, sans même attendre vingt-quatre heures, les États-Unis commençassent d’agir. Tout de suite il faudrait qu’ils missent la main sur tous les vaisseaux allemands internés dans leurs ports, y compris les navires de guerre allemands, et les retinssent en garantie de l’ample satisfaction qui aurait à nous être accordée le plus vite possible. Et puis, en second lieu, les Etats-Unis devraient déclarer que, par suite des outrages meurtriers de l’Allemagne contre les droits des neutres, tout commerce avec elle serait dorénavant interdit à nos concitoyens, tandis que, au contraire, toutes facilités seraient octroyées au commerce de ceux-ci avec la France, la Russie, l’Angleterre, et le reste du monde civilisé.

Je ne crois pas qu’une telle assertion vigoureuse de nos droits signifierait pour nous la guerre avec l’Allemagne : mais, en tout cas, il est bon de nous rappeler qu’il y a ici-bas des choses infiniment pires que la guerre, et que la paix ne vaut d’être possédée que quand elle se trouve employée au service de la loyauté internationale.


Tel est, en résumé, le contenu de ce livre, où il semble bien que M. Roosevelt ait voulu exposer le programme de sa nouvelle candidature