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lutte d’à-présent contre les Alliés, comment ne pas admettre qu’un peuple aussi dépourvu de scrupules moraux pourrait parfaitement s’aviser, ensuite, de profiter de l’extrême faiblesse militaire et navale des États-Unis pour recommencer contre eux le « coup » tenté naguère par lui contre ses voisins immédiats ?

Si bien que, du devoir d’être « Américains, » résulte en premier lieu, pour les citoyens des États-Unis, le devoir non moins absolu de cette « préparation » militaire et navale que M. Roosevelt se fait très justement honneur d’avoir conseillée dès ses lointains débuts dans la vie politique. Il faut à tout prix que les Américains se rendent « prêts » à soutenir efficacement le risque d’une guerre, — les Américains, ou, pour mieux dire, les habitans des États-Unis, car ni le Brésil, ni le Chili, ni la République Argentine, notamment, n’en sont plus à avoir besoin de se « préparer, » toutes ces nations ayant adopté maintenant un régime d’obligation militaire plus ou moins imité de celui de la Suisse, — que M. Roosevelt considère comme le mieux fait pour servir, également, de modèle aux États-Unis, « Dans la République Argentine, par exemple, l’adoption du service militaire universel a été déjà d’un immense profit, et cela même au point de vue industriel et social. Elle a donné, dès aujourd’hui, aux Argentins une armée de près d’un demi-million d’hommes, encore que leur république ne contienne pas la dixième partie de la population des États-Unis. Dès aujourd’hui l’Argentine est infiniment mieux en état que nous de défendre son territoire contre l’attaque soudaine d’un puissant ennemi. Combien nous ferions sagement de prendre d’elle les précieuses leçons qu’elle peut nous offrir ! »

Et combien il serait « sage » aussi, aux compatriotes de M. Roosevelt, de s’instruire des « leçons » des nations européennes qui sont en train de « défendre leur territoire contre l’attaque soudaine d’un puissant ennemi ! » Il n’y a pas un des chapitres du livre nouveau de l’ex-président qui ne renferme un magnifique éloge de la manière dont notre résistance française et celle de nos Alliés ont eu pour effet de réveiller, chez nous, maintes facultés et vertus nationales que l’on avait pu croire à jamais assoupies. Infatigablement l’auteur nous propose en exemple à ses lecteurs ; et cela seul aurait déjà de quoi lui valoir, de notre part, une sympathie très reconnaissante. Qu’on me permette encore de citer, un peu au hasard, l’un de ces morceaux où il parle de nous :


C’est toujours chose malaisée d’obtenir qu’une démocratie se prémunisse