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sans doute la gravité et la généralité des faits et il s’empressera d’édicter les mesures de répression que réclament la justice et l’humanité.

Si nous devons renoncer à cet espoir, si une fois de plus l’autorité allemande s’inscrit en faux contre la vérité irréfutable de notre enquête ne se décidera-t-elle pas à adopter le seul moyen qui reste de faire, aux yeux de tous, la pleine lumière : à savoir l’enquête proposée à plusieurs reprises par l’épiscopat belge, enquête qui serait menée à la fois par des délégués allemands et présidée par un neutre ?


Et de nouveau, en tête du long mémoire justificatif daté du 31 octobre 1915, qui accompagne sa lettre, l’évêque de Namur déclare :


Nous considérons comme un impérieux devoir de notre charge vis-à-vis de nos ouailles de ne pas garder le silence et d’adresser à l’autorité occupante une protestation énergique pour affirmer et prouver à la fois la culpabilité de l’armée allemande et l’innocence de nos diocésains.


Suit alors le détail justificatif de cette attestation.

L’évêque dénonce le concours apporté par les autorités allemandes, de tout ordre et de tout grade, à la propagation du calomnieux » Man hat geschossen (On a tiré sur nous !) » prétexte qui devait servir ensuite d’universelle et commode excuse. Elles ont été jusqu’à faire afficher le 9 août 1913 la sinistre prévision officielle des « représailles » qui allaient suivre : « Langage imprudent dans la bouche de chefs d’armées qui, au lieu de fournir la moindre occasion aux excès, doivent rappeler sans cesse le respect des civils et mettre un frein aux sentimens trop violens qui se font aisément jour au sein des armées. »

Le lendemain 10 août, l’hypothèse est érigée en fait accompli : désormais, la légende des francs-tireurs est accréditée dans l’esprit des soldats et de la nation allemande ; elle y est entretenue par la presse et par l’image ; les sphères officielles et l’Empereur lui-même n’échappent pas à l’universelle suggestion. Lorsque quelques journaux se résolurent à protester timidement, le mal était déjà fait.

Mgr Heylen écarte, en passant, d’un geste attristé, l’étrange « appel aux catholiques belges » d’un religieux résidant à Munich (dom Germain Morin), appel qui n’est, dit-il, « qu’une série d’incriminations injustifiées. » Il écarte de même les arguties de l’auteur de la Réponse à « la Guerre allemande et le Catholicisme. » Il pose à la base de son réquisitoire ce fait que,